Une guerre d’extermination. Espagne, 1936-1940 Compte-rendu de lecture / Histoire contemporaine

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Par Christophe Barret. [1]

Note de lecture à propos de l’ouvrage de Paul Preston : Une guerre d’extermination. Espagne, 1936-1940 (éditions Belin, 2016). Voir en ligne sur le site de l’éditeur.

C’est un événement éditorial que cette première traduction en français d’un ouvrage de Paul Preston. Ce spécialiste incontesté de l’histoire de l’Espagne contemporaine est promus, par Denis Peschanski et Henry Rousso, dans la collection « Une nouvelle histoire du temps présent » des éditions Belin.

Dans un volumineux ouvrage, nous est présentée la répression mise en place au cours de la Guerre d’Espagne (1936-1939), qui fait environ 200 000 victimes. Le titre original du livre, en anglais, est : « The Spanish Holocaust ». Aux Rendez-vous de l’histoire de Blois, alors qu’il y présentait le livre, Denis Peschanski a expliqué pourquoi l’expression « guerre d’extermination » a bien-sûr été préférée, pour l’édition française. Le terme « holocauste », on le sait, a été mis a l’écart dans historiographie française depuis longtemps. La « chasse » aux « rouges » mise en place par le pouvoir franquiste, si massive qu’elle soit, n’a jamais été aussi systématique que celle instaurée ensuite dans une Europe dominée par les nazis. L’ambitieux travail de Paul Preston est, en fait, une synthèse étayée de travaux universitaires conduits outre-Pyrénées desquels ressort qu’une violences systématiques a été tolérées puis encouragées par Franco. Ces recherches pour la plupart monographiques ont souvent été difficiles à mener : du fait de la décentralisation des services d’archives et, bien pire, parfois à cause des destructions passées ou des obstruction actuelles qui empêchent l’accès aux sources. La multiplication des monographies locales et régionales permet toutefois de caractériser le phénomène.

La violence systématique mise en place côté franquiste, ne doit pas faire oublier les violences commises dans le camp républicains : collectivisations forces et répression anti-religieuse s’inscrivent dans une vieille tradition de violences sociales. Les anarchistes, qui entendent à la fois faire la guerre et la révolution, paient un lourd tribu à la répression mise en place depuis par parti communiste engagés prioritairement dans la guerre. Mais la répression, côté républicain, est toujours freinée par le pouvoir légal. L’expérience acquise dans la guerre du Rif (1921-1926) par les militaires africanistes – et dont Franco est l’archétype – est bien-sûr à l’origine du caractère systématique de la politique de répression voulue par le pouvoir franquiste. Comme en Afrique du Nord, le bataillon des Tercio (ou « bataillon des Marocains) est autorisé à tuer et piller, dès son arrivée dans certains villages. Après quelques heures d’exactions commises par la troupe, les officiers reprennent le commandement comme si de rien n’était. Arrestations arbitraires – dont témoignera Bernanos dans Les grands cimetières sous la lune –, assassinats, viols et violences systématiques faites aux femmes, creusement de fosses communes, sont d’autres caractéristiques de cette répression. Les phalangistes jouent aussi un rôle fondamental dans la mise en place d’une terreur répressive et d’une répression extra-judiciaire, qui continueront bien après la fin de la guerre.

Christophe Barret,
Service éducatif des Archives nationales.

Lien vers la page présentant les ateliers en espagnol des Archives nationales consacrés au sujet : http://www.archives-nationales.culture.gouv.fr/web/guest/ateliers-en-espagnol

© Christophe Barret pour la revue Historiens & Géographes. 15/02/2017. Tous droits réservés.

Notes

[1Historien, Service éducatif des Archives nationales. Parmi ses derniers ouvrages parus, citons : Podemos. Pour une autre Europe ?, aux éditions du Cerf, 2015.