Une histoire du western. Les cowboys (Partie 1) Compte rendu de lecture / Cinéma - sortie le 15 mars 2018

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Par Yohann Chanoir. [1]

ULYSSE, Louis-Stéphane, Une histoire du western. Les cowboys, Paris, GM Editions, 2018. En collaboration avec Carlotta Films. 70 €.

Plus de 11 000 westerns ont été produits depuis l’invention du cinéma. Dans cette masse énorme émerge la figure du cowboy, à laquelle Louis-Stéphane Ulysse s’est intéressé dans ce livre, premier tome d’une histoire de ce genre filmique.

La préhistoire du western

Le western au cinéma est sans doute né en 1903 avec Le Vol du grand rapide. Succès colossal, à l’échelle de tous les Etats-Unis, le titre suscite l’intérêt des compagnies cinématographiques. En 1910 est réalisé le premier Broncho Billy. 400 titres seront tournés au rythme d’un par semaine. Ces films ne se veulent pas réalistes et ont pour but d’offrir au public un honnête divertissement. Si l’inflexion réaliste est patente avec la saga des Rio Jim, elle est toutefois délaissée avec la figure de Tom Mix. Tout de blanc vêtu, jamais décoiffé, même après la bagarre, Tom Mix incarne la droiture du cowboy. Le héros ne fume pas, ne boit pas et ne jure pas. Se cristallise peu à peu dans l’imaginaire étatsunien le paradigme du cowboy comme incarnation des valeurs qui font et feront l’Amérique.

Des représentations héritées

Ce stock de représentations n’est pas nouveau. Il s’inspire en grande partie de celui forgé et diffusé par le Wild West Show, le spectacle de Buffalo Bill. Le western obéit dès lors à une construction manichéenne. Les Indiens sont fourbes et dangereux, les vilains sont souvent vêtus de noir et arborent une affreuse moustache comme dans la saga des Tom Mix. Ces images sont à rebours de la réalité. Les cowboys formaient un lumpenprolétariat, composé de Mexicains, de métis, d’Afro-Américains, qui vivotaient à la faveur des contrats décrochés. Accompagnant cette imagerie se développent aussi des scènes rituelles, des passage obligés pour les films avec des cowboys : le passage du fleuve, le duel dans la rue, la diligence... L’échec de La Piste des géants (Raoul Walsh, 1930) condamne le film de cowboy à la série B. Les studios préfèrent tourner des films d’un format court (une soixantaine de minutes), avec des équipes réduites, dans des lieux identiques, avec des séquences rituelles. Ces films, près de 1 000 pour la seule décennie des années 30, sont destinés au seul marché étatsunien. Il faut attendre le succès de La Chevauchée fantastique (John Ford, 1939) pour que le film de cowboy retrouve la faveur des grandes productions.

Petit écran contre écran large

Le cinéma n’a toutefois pas le monopole de la représentation des cowboys à l’écran. La télévision y participe également. Louis-Stéphane Ulysse rappelle le combat féroce que se livrent les deux médias. En 1949, lorsque ABC sort la série Lone Ranger, seulement 2% des foyers américains sont équipés d’un téléviseur. Le feuilleton est interrompu en 1957. Entretemps, la télévision est devenue un média de mass. 3 foyers sur 4 sont équipés d’un récepteur en 1959. Le petit écran diffuse sa propre vision du cowboy, comme dans le feuilleton Au nom de la loi (1959-1961, CBS), plus ou moins en accord avec celle du cinéma. Dans le même temps, le septième art tente de garder son public en multipliant les innovations techniques. En 1953, le Cinémascope offre aux spectateurs des images larges, dont profite rapidement le western. Mais le déclin est amorcé.

Les « cendres dispersées » d’un « genre »

L’âge d’or est atteint dans les années soixante. De grands westerns sont tournés, comme Les Sept mercenaires (John Sturges, 1960) ou Alamo (John Wayne, 1960). Si des « cowboys venus d’ailleurs » renouvellent la vision du cowboy, désormais mal rasé et cynique, il devient aussi plus violent (La Horde sauvage, Sam Peckinpah, 1969 ; Impitoyable, Clint Eastwood, 1992). Peu à peu, malgré des succès publics, le cowboy ne s’inscrit plus « dans le quotidien des plateaux ». Au cinéma, le cowboy n’en finit pas de disparaître et de réapparaître. Le remake de True Grit par les frères Coen (2010) obtient un incroyable succès. Il récolte plus de 251 millions de dollars dans le monde, dont presque les 2/3 sur le seul sous-continent nord-américain. Mais nominé 11 fois, il ressort bredouille de la cérémonie des Oscars. Le constat sonne comme une épitaphe. Si le cowboy a toujours ses aficionados, il meurt du désintérêt des studios.

Illustré par une iconographie remarquable, le livre propose aussi des focus sur des acteurs emblématiques comme Steve McQueen, Charles Bronson, John Wayne ou des réalisateurs comme Ford. Il se termine par la présentation des 6 dvd qui accompagnent l’ouvrage et par une filmographie de sept titres (comme Les Sept mercenaires) déclinée en différentes thématiques. Un livre qui comblera les amateurs (nombreux) des westerns et autres films avec des cowboys.

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© Yohann Chanoir pour Historiens & Géographes. 28/02/2018. Tous droits réservés.

Notes

[1Agrégé d’Histoire, Professeur d’Histoire-Géographie en section européenne allemand au Lycée Jean-Jaurès de Reims, Secrétaire de la Rédaction de la revue Historiens & Géographes.