Université L’Abécédaire du Centenaire de l’APHG

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Par Michel Kaplan [1]
Page personnelle de Michel Kaplan sur le site de l’Université Paris I Panthéon Sorbonne.
Article publié en novembre 2010.

L’Histoire et la Géographie sont enseignées dans les Universités depuis Napoléon (loi de 1808) : elles se trouvent alors au sein des facultés des Sciences et Lettres. Les facultés obtiennent la personnalité morale seulement en 1885. Mais c’est la loi proposée par Raymond Poincaré et votée en juillet 1896 qui regroupe les facultés en Universités ; celles-ci restent toutefois sous l’autorité des recteurs, tandis que la personnalité des facultés est incarnée par les doyens. L’Histoire et la Géographie se trouvent au sein des facultés des Lettres qui deviennent ultérieurement Facultés des Lettres et Sciences Humaines. La recherche occupe une place de plus en plus importante au sein des Universités, qui en ont un quasi monopole jusqu’aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, conjointement avec l’Ecole Pratique des Hautes Etudes et le Collège de France. Au lendemain de la guerre, le CNRS, fondé par un décret-loi du 19 octobre 1939, se développe dans le domaine de la recherche fondamentale et fait une place à l’Histoire et à la Géographie ; les laboratoires du CNRS sont alors des laboratoires propres, non liés aux universités.

La loi du 12 novembre 1968, dite loi Edgar Faure, donne une personnalité juridique et un début d’autonomie aux Universités, en théorie augmentée récemment par la LRU (Loi relative aux responsabilités des Universités) du 10 août 2007 ; celles-ci peuvent désormais organiser librement leurs cursus dans les cadres généraux définis par l’Etat. Les Universités sont organisées en UER (UFR depuis la loi Savary de 1984) et la situation varie grandement selon la taille des Universités, d’autant que la croissance du nombre des étudiants (97 000 en 1945, 180 000 en 1958, 500 000 en 1968, 1 000 000 en 1987, presque 1 500 000 aujourd’hui), hors Grandes Ecoles, IUT et BTS, aboutit à la création de nombreuses universités nouvelles, la dernière vague datant du début des années 1990. Dans de très grandes universités (principalement à Paris centre, amis aussi dans les grandes métropoles provinciales), l’Histoire d’un côté et la Géographie de l’autre peuvent constituer des UFR indépendantes. Dans les autres, l’Histoire se trouve au sein d’UFR (souvent encore baptisées facultés) de Sciences Humaines ou de Lettres et Sciences Humaines. Cette organisation conduit une partie des Géographes à se regrouper avec les scientifiques. Toutefois, la présence d’un CAPES d’Histoire-Géographie et d’épreuves de l’autre discipline dans les agrégations respectivement d’Histoire et de Géographie maintient des liens, étroits ou lâches, entre les deux disciplines.

Dès les années 1970, le CNRS se rapproche des Universités, en proposant des formes de laboratoires communs, dont la principale devient l’Unité Mixte de Recherche (UMR). Selon un avis majoritaire mais non unanime, ce rapprochement favorise l’essor de la recherche universitaire dans nos deux disciplines. Celles-ci connaissent l’une et l’autre des crises d’identité, que l’on peut regretter ou juger au contraire comme une phase propice au progrès épistémologique. Toutefois, les pouvoirs publics accordent une part décroissante de crédits (ce qui ne signifie pas forcément une baisse en valeur) à nos disciplines, plus encore à l’Histoire qu’à la Géographie. La croissance des effectifs étudiants a entraîné une augmentation importante du nombre d’enseignants-chercheurs de nos disciplines, même si ce nombre ne suit que d’assez loin celui des étudiants ; les effectifs de chercheurs CNRS dans nos disciplines ayant cessé de croître depuis le début des années 1980 pour amorcer une décrue plus forte encore en Histoire qu’en Géographie, le déséquilibre numérique entre enseignants-chercheurs des universités et chercheurs du CNRS est devenu écrasant.

L’évolution de la société comme l’accroissement du nombre des étudiants a poussé les pouvoirs publics et les universités elles-mêmes à prôner le développement de filières à finalité professionnelle encore largement étrangères à nos formations universitaires dans les années 1970. D’ailleurs, le nombre de postes offerts aux concours de recrutement du Second Degré, au-delà de variations importantes et pas toujours cohérentes, à la baisse ou à la hausse, excédait et excède plus encore aujourd’hui le nombre d’étudiants de nos disciplines. Sur ce plan, la demande sociale du côté de l’aménagement, de l’écologie, de la prévention des risques, etc., a poussé les Géographes à prendre une large avance ; ces domaines attirent une forte majorité d’étudiants. Les Historiens se sont réveillés plus tard, mais ont développé depuis vingt ans les formations professionnalisées dans les domaines du patrimoine, de l’édition, du journalisme trop longtemps abandonné à des écoles spécialisées qui absorbaient d’ailleurs une part non négligeable des licenciés d’Histoire, plus récemment dans le domaine des archives ou de l’audiovisuel (liste non exhaustive). De nombreuses universités ont également développé des doubles cursus type Histoire-Economie, Histoire-Sciences Politiques, etc., pour élargir les débouchés envisageables pour les étudiants d’Histoire (et de Philosophie) pour leurs capacités de synthèse et de rédaction et leur aptitude à évoluer dans l’exercice de leur métier.

Historiens & Géographes n°412, novembre 2010, p. 165-166. Tous droits réservés.

Illustration : L’APHG en Sorbonne, Etats généraux de l’Histoire-Géographie, janvier 2012. Photo D.L.