Université d’été 2017 du Mémorial de la Shoah en partenariat avec l’APHG / Compte rendu

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Par Hubert Tison. [1]

Le 8 juillet 2017. Près de cent professeurs d’histoire-géographie, d’allemand, de bibliothécaires ont participé à cette université d’été, du 8 au 13 juillet 2017, pour connaître et mieux comprendre le processus d’extermination des Juifs de France.

Iannis Roder, en charge de l’université d’été a ouvert la séance et passé la parole à Jacques Fredj, directeur du Mémorial de la Shoah. Celui-ci a présenté l’historique du Mémorial depuis sa création pendant la guerre jusqu’à aujourd’hui. Les activités de formation se sont multipliées. Une université existe aussi en Pologne organisée par le Mémorial. Le Mémorial assure la formation à l’enseignement de la Shoah avec l’accord officiel du Ministère de l’Education nationale. Les professeurs des écoles peuvent suivre des formations. Une approche de cet enseignement existe aussi avec le Grenier de Sarah. Des formations se font aussi pour le Ministère de l’Intérieur (policiers), de la Justice (magistrats).Toutes ces activités témoignent de la vitalité du Mémorial.

Tristan Lecoq, Inspecteur général d’histoire et de Géographie, chargé de la Mémoire et président du collège des correcteurs du CNRD pose les questions essentielles : A quel moment l’enseigner et comment l’enseigner ? L’annualisation des programmes en 3ème, 1ère et Terminale le permet. Le Mémorial de la Shoah a été désigné comme l’opérateur public délégué par le Ministère de l’Education nationale pour la formation à l’enseignement de la Shoah. Le génocide est un terme qui s’applique à l’extermination des juifs pendant la guerre (1939-1945). Le mot Shoah est le mot le plus employé dans l’espace francophone. Raoul Hilberg utilise le mot destruction des juifs d’Europe. Tristan Lecoq retrace la fabrication des programmes depuis les années 1968 et la publication de livres majeurs comme celui de Paxton (1974). Il entame une série de réflexions s’exprimant librement. Le contexte d’aujourd’hui a changé rendant plus difficile l’enseignement de la Shoah. La culture des élèves est parfois identitaire. Le présentisme, le complotisme sont autant d’obstacles. L’interdisciplinarité met en cause ce que nous sommes. Le passé trouble le présent. Nous devons affirmer notre formation d’historien. Il faut respecter la chronologie, des récits, des faits, appliquer le programme tout en s’interrogeant sur la pertinence de certaines dispositions, de termes comme guerre d’anéantissement ; autre exemple : la capitulation de l’Allemagne ne signifie pas l’anéantissement.

Tristan Lecoq a analysé les processus pédagogiques pour enseigner la Shoah, montré sa place dans les programmes de collège et de lycée, insisté sur la complexité du sujet, son rôle dans le Concours de la Résistance et de la Déportation qui attire chaque année près de 45 000 élèves. Enseigner la singularité de la Shoah par rapport à d’autres génocides, telle est notre tâche.

Hubert Tison, Secrétaire général de l’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie a rappelé le soutien que l’APHG apporte à l’université d’été depuis sa création, a insisté sur la place centrale qu’occupe Simone Veil qui y a longtemps participé. Avec l’avancement en âge des derniers survivants, après la disparition des témoins, Simone Veil estimait que c’était aux Professeurs d’histoire d’enseigner l’histoire de la Shoah, que c’était le meilleur relais. Après avoir exprimé des réticences, elle s’est ralliée à la comparaison des génocides du XXème siècle. Hubert Tison conclut ainsi « Que l’on ne parle que de la Shoah est aussi grave que d’éviter le sujet par crainte des réactions d’élèves. Ne pas les saturer, ne pas banaliser la Shoah, mais sans bannir l’émotion les inviter à prendre de la distance. Les collégiens et les lycéens doivent garder l’optimisme en l’homme malgré la Shoah. Le destin de Simone Veil comme nombre de survivants qui se reconstruisent les invite à réfléchir sur la capacité de l’homme à rebondir ».

Université d’été 2017 du Mémorial de la Shoah. Iannis Roder, Jacques Fredj, Tristan Lecoq et Hubert Tison. Photo A.L. Liéval / APHG.

Philippe Boukhara, historien au Mémorial a traité ensuite de La vie juive en Europe avant la Shoah, montrant la richesse de la vie culturelle, sportive, théâtrale, musicale, de la presse, des livres. Il a montré le rôle des juifs au cours de l’histoire en France.

Joël Kotek, professeur à l’université de Bruxelles, formateur au Mémorial a analysé les images antisémites dans les caricatures à l’aide d’un diaporama (voir le site du Mémorial).

Georges Benssousan, historien, responsable éditorial du Mémorial de la Shoah et rédacteur en chef de la revue d’Histoire de la Shoah a analysé la Shoah comme question politique dans Une histoire éclatée. Il a montré les difficultés de la trivialisation du génocide, les amalgames ; l’aseptisation de la Shoah avec le Journal d’Anne Franck qui ne concerne pas l’extermination qui va frapper Anne Franck quelque temps après son arrestation. L’importance donnée aux bourreaux, Israël fille de la Shoah alors qu’est fille du sionisme ! Hitler qualifié de psychopathe pour expliquer le génocide des juifs alors que c’est une idéologie rationnelle qui a conduit à l’extermination fondée sur le racisme et l’antisémitisme. C’est aussi jusqu’à Jacques Chirac le silence sur les responsabilités de la France dans la rafle du Vel d’Hiv. Jacques Chirac le rompt en 1995...

A la fin de la journée, une visite guidée du Mémorial de la Shoah par les membres du service pédagogiques a eu lieu pour les stagiaires.

© Les services de la Rédaction d’Historiens & Géographes - Tous droits réservés. 25 juillet 2017.

Renseignements

1- L’Université d’été du Mémorial de la Shoah s’adresse aux professeurs de collège et de lycée (toutes disciplines confondues), aux professeurs-documentalistes. Autour de nombreuses conférences, discussions et projections sont abordées par les meilleurs spécialistes européens les questions liées à l’histoire et à l’enseignement de la Shoah. Des visites commentées du Marais, du musée d’art et d’histoire du judaïsme et du site de Drancy ont lieu.

Le génocide des juifs est un événement historique à enseigner appelant de nombreuses questions. Le judéocide s’inscrit dans l’histoire européenne et l’antisémitisme nazi ne suffit pas à rendre compte de la tragédie. En effet le discours eugéniste allemand et européen ne participe t’il pas du processus menant à la destruction des Juifs d’Europe ? Comment réagissent les juifs européens individus comme institutions face à la catastrophe ? Quelles furent les responsabilités du régime de Vichy et des ses institutions dans la déportation des juifs de France ? Qui fut déporté et pourquoi ?

A travers le problème du lien mémoire / histoire, il s’agit de comprendre comment se sont constituées en France, aux Etats-Unis, en Pologne et en Israël des mémoires du judéocide, mais aussi d’entrevoir ce que furent les voies suivies par l’historiographie.

L’enseignement de ces questions appelle à nous interroger sur l’utilisation des moyens pédagogiques sur la manière d’aborder ces sujets en littérature ou en philosophie , sur la place du témoin et doit permettre d’apporter un éclairage aux questions suscitées par cette histoire. C’est à l’étude de ces questions que le Mémorial de la Shoah, en partenariat avec l’Association des Professeurs d’histoire et de Géographie (APHG) a organisé cette université d’été.

Sur inscription tél. 01 53 01 17 54
Mail : formation@memorialdelashoah.org
Prix 75 euros.

2- Du 23 août au 31 août 2017. Université de Pologne (niveau 2) pour les professeurs ayant suivi le niveau 1. Sur les traces de la vue juive et de la Shoah en Pologne. Ce voyage sur les sites de la vie juive d’avant la guerre et ceux de l’extermination comporte des rencontres avec les Polonais engagés dans un travail de réparation du passé et avec des membres de la communauté polonaise. Prix 2 300 euros. Sur inscription : 01 53 01 15 54.

3- Du 25 octobre au 1er novembre : l’université d’automne en Israël (niveau 3). Niveau 3 pour les professeurs ayant suivi les niveaux 1 et 2. L’enseignement de la Shoah et les pratiques pédagogiques en Israël.

Site internet

© Les services de la Rédaction d’Historiens & Géographes, 10/08/2017. Tous droits réservés.

Notes

[1Secrétaire général de l’APHG. Directeur de la Rédaction de la revue Historiens & Géographes. Ce compte rendu concerne le samedi 8 juillet 2017.