ÉDITORIAL L’APHG monte au front

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Le titre de mon éditorial colle à cette année de centenaire de la Grande Guerre. L’APHG est historiquement liée à cet événement, car en 1914, l’APHG avait 5 ans et a compté parmi ses adhérents des morts pour la France ! Plus que n’importe quel autre porte-parole amené à traiter d’Histoire et de Géographie, elle a son mot à dire sur l’enseignement de ces matières. De ce fait, l’APHG, en souvenir de ce moment fondateur de la nation, a décidé de monter au front. Quand on monte au front, ce n’est pas pour faire du tourisme, mais pour donner de l’ardeur à ses troupes et stopper les attaques.

L’APHG est sur tous les fronts

Bruno Benoit, président de l’APHG

Sur le front des concours où elle se bat pour le rétablissement des quatre questions en histoire, sans que cela ouvre une guerre de Cent ans avec nos collègues géographes au nom d’une parité que certains voudraient à tout prix. Nous nous sommes battus pour que les questions du Capes et de l’Agrégation soient à nouveau les mêmes, et non chacun dans sa tranchée ! Nous réclamons des éclaircissements quant à la deuxième épreuve écrite du Capes où un document doit être commenté scientifiquement et exploité pédagogiquement. Nous avons réclamé avec les associations des universitaires et chercheurs du supérieur, et ce devant l’Inspection générale, qu’un exemple avant le concours soit mis à la disposition des étudiants et des universitaires qui préparent à ce concours. La rencontre que nous avons eue avec l’Inspecteur général Vincent Duclert le 21 janvier 2014 à Paris est revenue sur ce point. Il est bon de consulter sur notre site le compte-rendu de cette entrevue cordiale. Sur le front du Conseil supérieur des programmes (CSP) où nous voulons être entendus. Nous sommes une association républicaine qui, par l’expérience acquise dans l’enseignement de nos deux disciplines citoyennes, tient à se faire entendre par cet organisme qui travaille sur la remise à plat des programmes, ce qui nous concerne au premier chef.

Les « poilus » de l’enseignement doivent être informés de ce que décide l’état-major. Si l’APHG n’est pas un syndicat et ne tient pas à l’être, elle est, en revanche, dans le domaine du contenu, des outils, des fondamentaux, des progressions, des démarches, un voltigeur et non un simple fantassin. L’APHG sait de quoi elle parle et elle en parle bien ! De plus, les syndicats faisant de la pédagogie, je ne vois pas pourquoi l’APHG ne pourrait pas émettre des propositions quant aux horaires et aux programmes. L’APHG vient d’écrire à ce titre au CSP pour être reçue. Le site vous tiendra au courant.

Sur le front de l’enseignement primaire où le cycle ternaire CM1-CM2-6e nous a amenés à rencontrer, le 20 janvier 2014, le doyen de l’Inspection générale du Primaire, Philippe Clausse, pour lui exprimer notre forte inquiétude quant à la formation des futurs professeurs des écoles en histoire et géographie. En effet, ces matières disparaissant de l’écrit du concours et n’étant qu’optionnelles à l’oral, les futurs professeurs des écoles n’auront suivi qu’une quinzaine d’heures d’enseignement d’histoire et de géographie et devront enseigner ces matières. Il ne faudra donc pas s’étonner que nos deux disciplines subissent dans leurs chairs des dégâts sérieux venus de quelques shrapnels tirés par des artilleurs peu précis. De plus, il est envisagé, certes sur la base du volontariat, que certains professeurs des écoles puissent enseigner en classe de 6e ! Il n’est pas possible de vouloir « faire du lien » ou plutôt « bâtir du commun » selon l’expression du ministre Vincent Peillon, si ceux qui sont chargés de le faire n’ont pas les compétences d’être des passeurs de savoirs. Oui, à la relation école primaire-collège, non au fait qu’il y ait un programme CM1-6e, non au fait que des enseignants de collège ne soient pas des spécialistes. Nous voulons donc un programme pour le collège, même si un trimestre de 6e puisse être un moment d’observation. Il en va de même pour connaître davantage ce qui a été dit durant cette encontre, consultez notre site.

Quand on monte au front, il faut s’assurer d’une bonne communication entre ses différentes unités. À l’APHG, il y a le bureau national, le conseil de gestion, les régionales et les nombreux membres, voire des collègues non membres mais qui s’intéressent à ce que l’on dit et écrit et qui peuvent nous rejoindre. L’APGH est consciente qu’à l’ère du numérique, elle doit offrir des services adaptés à ses membres et au-delà.
Si elle conserve sa revue papier qui est d’une très grande qualité scientifique et figure dans des bibliothèques internationales, elle estime que pour la communication avec le plus grand nombre, la guerre des communiqués se gagne sur internet et dans la presse. C’est pour cette raison qu’elle peaufine, cher(e)s collègues, son site, qu’elle demande aux régionales de peaufiner le leur et que je peaufine, de mon côté, les futurs communiqués de notre AGHORA (atelier des géographes et des historiens pour l’ouverture, la recherche et l’action) en comptant sur vos envois d’idées, de remarques et de suggestions. À vos plumes !

Contre qui et quoi montons-nous au front ?

Contre les réformes qui tombent comme à Gravelotte et qui modifient horaires, programmes et épreuves sans de réelles concertations avec les principaux intéressés, les professeurs d’Histoire et de Géographie. L’APHG est une association, non de défense aveugle des intérêts de ses membres, mais de proposition pour faire que nos disciplines soient porteuses de ce qui nous réunit : la citoyenneté républicaine, le mieux vivre ensemble, l’adaptation de notre enseignement aux mutations de la société. L’APHG ne se mutine pas contre les autorités qui malmènent nos matières, même si les mutins de 1917 méritent pour leur plus grande part d’être réhabilités, mais elle crie haut et fort qu’elle veut être reçue, entendue et écoutée. Toute réforme ne peut être réussie que si elle est partagée par ceux qu’elle concerne et, en ce sens, l’APHG est l’association la plus légitime pour parler au nom des professeurs d’Histoire et de Géographie.

Contre les pseudo-pédagogues de tous poils qui pensent que la dimension professionnalisante l’emporte, dans les concours de recrutement, sur la dimension scientifique. À ce propos, il me plaît de parodier Danton, père de la patrie en danger, et d’affirmer « qu’il faut des savoirs, encore des savoirs, toujours des savoirs » ! Que la pédagogie soit au rendez-vous du métier d’enseignant, c’est une lapalissade ; que cette pédagogie soit adaptée au niveau de classe des élèves et au public concerné, c’est une évidence que les membres de l’APHG mettent en pratique ; que la pédagogie n’ait de sens que si elle s’accompagne de savoirs solides et solidement maîtrisés, cela est vérifié tous les jours par les élèves et les étudiants. Le pédagogue est d’abord quelqu’un qui sait, ensuite qui offre une démarche et enfin qui inscrit son cours dans une dimension plus large, sinon le pédagogue n’est qu’un bavard prétentieux.

Contre les snipers des sites Internet hostiles du « Chemin des Dames » qui, dans une tranchée confortable et proche de l’État-Major, tirent à vue sur notre Association qui, elle, étant libre de toutes protections officielles, avance en terrain dégagé où il est facile de la canarder. Or, l’APHG ne peut indéfiniment accepter cette situation, car elle sait que son combat est juste puisqu’elle agit pour essayer de rendre l’Histoire et la Géographie toujours plus accessibles aux élèves, aussi bien des écoles primaires, des collèges, des lycées classiques et professionnels que des universités. La mobilisation est à l’ordre du jour !

Contre les passagers clandestins de l’Histoire et de la Géographie, ceux qui utilisent quotidiennement nos matières dans leurs discours au sein de la société civile ou du monde politique pour défendre la cause du jour et, une fois celle-ci résolue, les oublient au profit de matières considérées comme fondamentales. Non, il n’y pas de compréhension du présent sans dimension historique, il n’y a pas de bonne insertion dans n’importe quel territoire sans géographie.
Mesdames, Messieurs, arrêtez de tirer sur la corde historico-géographique, car si elle se casse, le navire « Mieux vivre ensemble » se met à dériver.

Contre ceux qui pensent que la culture générale est d’un autre temps ou qu’apprendre est dépassé. Or, nous revendiquons être des matières de culture générale et, à ce titre, nos matières nécessitent des efforts pour l’apprentissage. Avec des savoirs solides et des horaires décents, l’Histoire et Géographie forment un barrage contre le racisme et l’antisémitisme. Pour le futur enseignement de l’éducation morale et laïque, les professeurs d’Histoire et de Géographie revendiquent être les plus à mêmes d’enseigner cette matière dont les contenus, ce que nous espérons, sont au cœur de notre enseignement. Nous refusons qu’elle devienne une variable d’ajustement pour les services ! Cependant, nos matières ne sont nullement des dinosaures à l’époque du numérique. Il y a une manière d’enseigner l’Histoire et la Géographie adaptée au XXIe siècle et les membres de l’APHG en sont les porte-drapeaux.

Bruno Benoit - Président de l’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie (APHG). Professeur des universités - 27 janvier 2014 - Lyon et Paris