Pour un usage pédagogique de Crayon Noir : proposition de ressource et retour d’expérience

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Proposition de ressource et retour d’expérience sur l’usage pédagogique de CRAYON NOIR, Samuel Paty, histoire d’un prof, en collège et lycée.

Par Marie Cuirot, enseignante d’histoire géographie et histoire des arts à la cité scolaire Jules-Ferry de Paris

Crayon Noir est un roman graphique de Valérie Igounet et Guy Le Besnerais paru aux éditions Studiofact. L’ouvrage rend hommage à Samuel Paty, professeur d’histoire géographie au collège du Bois d’Aulne de Conflans-Sainte-Honorine, assassiné le 16 octobre 2020 par un terroriste islamiste.

L’historienne et directrice adjointe de l’observatoire du conspirationnisme Valérie Igounet a mené trois ans de recherches, croisé des témoignages et des sources diverses. Son enquête dense et rigoureuse est servie par les dessins de Guy Le Besnerais colorisés par Mathilda.

La forme du roman graphique apporte de la lisibilité et un caractère artistique au récit très complexe des évènements ayant conduit à l’assassinat d’un « prof » de la République.

  • Quel usage pédagogique de CRAYON NOIR envisager ?

La lecture exhaustive de ce récit graphique de 156 pages est accessible et instructive tant pour les enseignants, futurs enseignants que pour les élèves de collège et lycée. Elle peut être le préalable d’un débat en classe à l’occasion de l’hommage à Samuel Paty (et, hélas, depuis peu, à Dominique Bernard) et lors d’une réflexion plus large sur les valeurs de la République enseignées à l’école.

En expliquant l’écheveau complexe qui a conduit à l’assassinat de Samuel Paty, les auteurs abordent de nombreuses thématiques évoquées dans le cadre de l’enseignement moral et civique (EMC). Il est notamment question de :

  • la laïcité,
  • de la liberté d’expression,
  • des méthodes de l’enseignement de l’histoire,
  • de l’influence de la situation géopolitique internationale
  • du rôle des réseaux sociaux dans la radicalisation de jeunes les poussant au terrorisme islamiste.

Il est donc aussi possible d’isoler quelques planches (avec l’aimable autorisation des auteurs et de l’éditeur) dont l’analyse devient le point de départ d’un débat interprétatif en EMC.

La méthode d’analyse et de débat proposée :

 1)Description de la ou des planches :
Scènes représentées/ personnages/résumé des informations données par le texte/composition de la planche/ palette utilisée, référence artistique/ lien entre texte et image.

 2) Contextualisation  :

Clés de lecture factuelles apportées par les élèves et/ou précisées par l’enseignant sur le contexte des évènements représentés (repères historiques, chronologie des faits, définitions des notions).

  3) Interprétation/débat :

Après la première impression sensible donnée « à chaud » devant la planche, une 2ème interprétation raisonnée, à l’aide du contexte, est demandée aux élèves. Il s’agit, à partir de la description et de la contextualisation des planches, de faire émerger les questions qu’elles soulèvent et de proposer des éléments de réponses dans un débat interprétatif. Selon le niveau des élèves, les problématiques peuvent être données par le professeur ou au contraire construites par les élèves.

Cette ressource propose un corrigé qui inclut les réponses données par des élèves de la cité scolaire Jules-Ferry de Paris, lors d’une réflexion menée à l’oral la semaine suivant l’assassinat de Dominique Bernard.

Des collégiens de sixième et des lycéens de première et de terminale en histoire mais aussi de première et terminale en spécialité histoire des arts et/ou HGGSP ont réfléchi sur les différentes planches analysées ici, avec, bien entendu, des différences de niveau de lecture et de thématiques abordées.

Ce corrigé hybride fait la synthèse de ce que la professeure a entendu et complété, en espérant donner aux collègues qui souhaiteraient travailler sur Crayon Noir en classe quelques pistes modifiables selon le profil de leurs élèves et dans le respect de leur liberté pédagogique.

Le choix des planches et thématiques abordées
 Pour présenter l’ouvrage, analyse de la couverture : Quelle idée la couverture nous donne-t-elle du sujet du roman graphique ? Comment l’image vient-elle illustrer et compléter le titre et le sous-titre ?

 Le débat sur les caricatures : Quelles réactions suscite l’ouverture du procès de l’attentat contre Charlie Hebdo de janvier 2015 ? Quels débats sur les caricatures réactive-t-il ? pages 30/31

 La liberté de presse : Qu’est-ce que la liberté de la presse et comment est-elle garantie en France ? Quel sens doit-on donner à l’affirmation « je suis Charlie » ? pages 60 /61

 Le principe de laïcité : Comment l’incompréhension du principe de laïcité a-t-elle rendu crédible le mensonge d’une collégienne à son père ? pages 80/ 81

 Réseaux sociaux et harcèlement : Comment l’emballement des réseaux sociaux a-t-il conduit au harcèlement de Samuel Paty avant son assassinat ? pages 109/ 110

  Islamisme radical et terrorisme : Comment se caractérise l’idéologie islamiste radicale et comment est-elle relayée ? Peut-elle être surveillée ? Quelle est l’influence de la géopolitique internationale dans la radicalisation ? Comment un candidat au djihad en arrive-t-il à assassiner Samuel Paty ? pages 36/ 37 38 et 54/ 55

 L’hommage à Samuel Paty : de l’hommage national au prix Samuel Paty p12 13 et pages 153 et 156

Avec l’aimable autorisation des auteurs et de l’éditeur, on propose un diaporama reproduisant les planches isolées analysées ici. Son utilisation est strictement réservée à un usage pédagogique.

Une « fiche repères » comportant des définitions de notions, rappels historiques et des renvois vers des sites en lien avec les thématiques abordées est également proposée : elle a été distribuée aux lycéens par l’enseignante qui a expérimenté cette ressource, pour les aider à contextualiser les planches analysées. Les informations qu’elle donne se retrouvent aussi dans la partie « contextualisation » du corrigé.

Bibliographie recommandée : le Guide républicain téléchargeable sur eduscol
https://eduscol.education.fr/1543/transmettre-et-faire-respecter-les-principes-et-valeurs-de-la-republique

Pour présenter l’ouvrage, analyse de la couverture

CONSIGNE :

  1. Décrivez la couverture (dessin, texte).
  2. Contextualisez : qui a réalisé cet ouvrage ? Comment ?
  3. Interprétez : Quelle idée la couverture nous donne-t-elle du sujet du roman graphique ? Comment l’image vient-elle illustrer et compléter le titre et le sous-titre ?

Description
Au premier plan, au centre de l’image, on distingue une silhouette de dos, elle est dessinée en négatif, sous la forme d’un aplat blanc entouré d’un trait noir. On devine une écharpe et des lunettes qui nous permettent d’identifier Samuel Paty. Il se tient face à sa classe, un crayon noir à la main, dans la posture d’un enseignant qui explique quelque chose.
Au deuxième plan, en contre-plongée, des élèves adolescents, filles et garçons, d’origines diverses, écoutent leur enseignant. Certains d’entre eux ont l’air captivés et sourient, trois lèvent le doigt. D’autres, au contraire, semblent plus passifs et sur la droite, on remarque une jeune fille accoudée à sa table qui boude. Le dessinateur colore ces personnages en un camaïeu de gris.
Au troisième plan, on distingue un fond noir sur lequel s’inscrit le titre du roman, Crayon noir, tout en haut, en lettres capitales blanches. Le titre est surmonté des deux noms des auteurs, Valérie Igounet et Guy Le Besnerais écrits en lettres capitales blanches plus petites. Sous le titre, en lettres capitales rouges, le sous-titre indique « Samuel Paty, histoire d’un prof ». Enfin, en bas à droite est indiqué le nom de l’éditeur, Studiofact.

Contextualisation
Ce roman graphique est le fruit du travail commun d’une historienne et d’un dessinateur. L’historienne et directrice adjointe de l’observatoire du conspirationnisme Valérie Igounet a mené trois ans de recherches, croisé des témoignages et des sources diverses. Son enquête très dense est illustrée par les dessins de Guy Le Besnerais colorisés par Mathilda. Ceux-ci donnent une forme artistique à l’ouvrage et aident à la compréhension du récit complexe des évènements ayant conduit à l’assassinat de Samuel Paty, un « prof »de La République enseignant au collège du Bois d’Aulne de Conflans-Sainte-Honorine, par un terroriste islamiste le 16 octobre 2020.

Interprétation
La couverture emmène d’emblée celui qui la regarde dans le monde de l’école. Le lecteur a le point de vue du professeur, debout face à sa classe.
L’arrière-plan de la couverture peut évoquer un ancien tableau noir sur lequel le titre « Crayon noir » pourrait avoir été tracé à la craie. On comprend par le sous-titre que le livre va parler de Samuel Paty. On sait qu’il s’agit d’un professeur assassiné par un terroriste islamiste en octobre 2020. Pourtant il n’en est pas question dans la couverture, ou du moins pas de manière directe. En effet, il n’est pas écrit « enquête sur l’assassinat de Samuel Paty », mais la mort du professeur est peut-être suggérée par sa silhouette blanche, telle celle d’un fantôme.
Cette silhouette en négatif a peut-être une autre signification. On reconnaît certes les lunettes et l’écharpe de Samuel Paty, mais on pourrait aussi la « remplir » par l’image de n’importe quel autre enseignant : c’est ce que suggère le titre « histoire d’UN prof ». Derrière cet article indéfini, on peut imaginer que le livre va évoquer la manière dont Samuel Paty, tel n’importe quel autre enseignant, faisait cours à ses élèves avant d’être assassiné.

Le débat sur les caricatures

Pages 30/31

CONSIGNE :

  1. Lisez et décrivez/résumez la planche.
  2. Contextualisez : indiquez à quels évènements elle fait référence.
  3. Interprétez : formulez les questions que soulève cette planche et proposez des réponses.

Problématique proposée par l’enseignante : Quelles réactions suscite l’ouverture du procès de l’attentat contre Charlie Hebdo de janvier 2015 ? Quels débats sur les caricatures réactive-t-il ?

Description
La double page se compose de trois cases. A gauche, le dessinateur a représenté l’immense hall du tribunal de Paris. Sa vision en contre-plongée montre les différents étages du bâtiment. Au premier plan à droite, on voit la silhouette de dos d’un policier en faction. Devant ce qui ressemble à un bureau d’accueil, des personnes qui se tiennent par le bras entrent dans le tribunal. Beaucoup sont en pleurs. Les personnages portent des masques car à cette époque, sévit l’épidémie de Covid. Page de droite, la case du haut représente la salle d’audience et le texte précise qu’il s’agit de l’ouverture du procès des attentats de 2015. La couverture du Charlie Hebdo qui paraît à ce moment est insérée entre les deux cases  : c’est ici un document d’archive et une source de l’enquête de Valérie Igounet (ce n’est pas dessiné par Guy Le Besnerais). La dernière case de la page montre des hommes vêtus de tenues orientales traditionnelles de pays musulmans (turbans, djellaba, chechia) qui brûlent un drapeau français. Le texte indique que des manifestations contre la France sont organisées dans des pays musulmans. La palette utilisée est majoritairement grise sauf pour le drapeau tricolore qui brûle (ce qui le fait ressortir) et la une de Charlie Hebdo.

Contextualisation :
En 2015, le pays est ensanglanté par une série d’attentats islamistes. Le 7 janvier, deux terroristes pénètrent dans les locaux de la rédaction du magazine Charlie Hebdo et assassinent sauvagement le policier en faction devant le journal puis 11 journalistes. Motif de leur crime commis « au nom d’Allah » : la publication de caricatures du prophète Mahomet. Le 9 janvier 2015, ils prennent en otage une imprimerie mais sont abattus lors de l’assaut des forces de l’ordre. Ce même 9 janvier, après avoir froidement tué une policière la veille à Montrouge, un autre terroriste prend en otage les clients de l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes. Cet attentat antisémite tue 4 personnes. Cinq ans plus tard, le 2 septembre 2020, au tribunal de Paris, s’ouvre le procès des attentats de 2015 contre Charlie Hebdo, à Montrouge et à l’Hyper Casher. A cette occasion, le journal publie à nouveau les caricatures du prophète Mahomet, qui ont servi de prétexte aux djihadistes pour passer à l’acte.

Interprétation :
Cette planche montre deux réactions distinctes face aux caricatures  ; la une de Charlie Hebdo est placée d’ailleurs entre deux cases qui évoquent les deux situations contraires : d’une part, les victimes ou proches des victimes des attentats en pleurs viennent en tant que partie civile au procès organisé par la justice de la République française ; d’autre part, des hommes de pays appliquant la charia (loi ilslamique) manifestent contre la République française en brulant un de ses symboles : son drapeau. C’est donc aussi une illustration de l’opposition entre la République laïque et des pays musulmans qui critiquent (ici violemment) la laïcité notamment parce qu’ils considèrent les caricatures comme blasphématoires. Une caricature est un une représentation satirique, exagérée, outrée ou déformée de quelqu’un ou quelque chose. En France, l’art de la caricature apparaît dès le Moyen Age mais se développe surtout au XIXe siècle, avec l’essor de la presse. Des dessinateurs, à l’instar de Daumier, Gill et Cham, régulièrement frappés par la censure, développent dans leurs dessins une satire sociale qui traque le ridicule et les injustices. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les caricaturistes, du Canard enchaîné à Charlie Hebdo en passant par les unes du Monde, exercent leur droit inaliénable d’expression pour informer et faire passer par l’humour leurs messages.
La caricature est irrévérencieuse, elle est cinglante, elle peut être blasphématoire quand il s’agit de religion, le blasphème désignant « ce qui outrage la divinité et le sacré ». Mais la République française est laïque. Elle accepte toutes les croyances mais n’en impose aucune. Le blasphème n’est pas un délit en France, dans l’exercice de la liberté d’expression garantie par la loi de 1881 et par les articles 10 et 11 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789. Les pays musulmans ne reconnaissent pas le droit à la caricature blasphématoire. C’est la raison pour laquelle ils brûlent le drapeau français au moment de l’ouverture du procès des attentats de janvier 2015, à l’occasion duquel Charlie Hebdo publie à nouveau des caricatures du prophète Mahomet.


Pour aller plus loin : analyse de la une de Charlie Hebdo du 2 septembre 2020 insérée dans la planche
Les plus observateurs remarqueront que la composition de la planche (p 30 31) de Guy le Besnerais place en diagonale deux figures qui se répondent : d’une part, en bas à gauche, une jeune femme probablement proche de victime se rend au procès en pleurs en se cachant les yeux avec sa main et d’autre part, en haut à droite, dans la même attitude de prostration, on distingue en symétrie la caricature du prophète dessinée par Cabu en 2006 et rééditée en 2020 sur la « une » du numéro spécial de Charlie Hebdo titré « Tout ça pour ça ». Les deux doivent pleurer de désespoir face à la folie (Cabu disait « connerie ») des intégristes.
Cette une de 2020 présente plusieurs caricatures de Mahomet : sur les deux côtés droit et gauche, celles publiées pour la première fois dans le quotidien danois Jyllands-Posten le 30 septembre 2005 (avant de figurer dans les pages de Charlie Hebdo en 2006), au centre, celle signée de Cabu qui représente un personnage vêtu de noir et coiffé d’un turban, dans une posture de prostration, la tête dans les mains et disant « C’est dur d’être aimé par des cons ». Un titre explique le dessin : « Mahomet débordé par les intégristes ». Le terme « intégriste » recouvre en partie le personnage de Mahomet avec une couleur qui change afin de s’assurer que le dessin ne pourra pas être reproduit sans la mention « intégriste ».
L’image a fait polémique en 2006 et en 2020 car elle soulève la question de la représentation de Mahomet. Pourtant, le Coran n’interdit nommément pas la représentation du Prophète ni la représentation humaine en général.
Écrit au VIIe siècle, dans la péninsule arabique et dans une société où l’image est généralement absente, le texte du Coran ne la mentionne qu’une seule fois, très indirectement : « Le vin, les jeux de hasard, les idoles sont des abominations inventées par Satan. Abstenez-vous en » (Sourate V, verset 90). Ce mot « idoles », littéralement « pierres dressées » (Ansàb), désigne les statues des païens et non pas, au VIIe siècle en tout cas, les images. Si rien n’est donc écrit au VIIe siècle dans le Coran concernant les images, les pratiques religieuses mises en place au fil du temps diffèrent selon les musulmans. Si les Chiites (musulmans qui, après la mort de Mahomet ont été partisans d’Ali, gendre de Mahomet et de ses descendants) acceptent la représentation du prophète, une majorité de sunnites (partisans d’Abou Bakr, compagnon de Mahomet, et de la sunna ou « tradition ») l’interdit. Mais l’on a dans l’Empire ottoman sunnite quelques très beaux exemples de représentations du prophète.
La polémique est aussi venue du fait que ces images ont été perçues comme blasphématoires. La plupart des sunnites considèrent comme blasphématoire toute image du prophète, quelle qu’elle soit. Les chiites l’ont acceptée dans le passé mais à condition qu’elle ne fût pas insultante. En écrivant « c’est dur d’être aimé par des cons », Cabu a désigné les terroristes islamistes (les « intégristes »). Or certains musulmans se sont identifiés aux « cons » et ont considéré que la caricature avait un caractère diffamatoire pour tous les croyants, ce qui est interdit par la loi. Lors du premier procès « des caricatures de Mahomet », intenté en 2006 à Charlie Hebdo par trois organisations musulmanes, la diffamation n’a pas été retenue et l’hebdomadaire a été relaxé. Le dessin est certes provocateur, mais il n’injurie pas les musulmans car il n’est pas diffamatoire : il représente Mahomet se désolant que la religion musulmane serve de prétexte aux intégristes pour imposer leur vision univoque du monde. Pour certains le dessin est blasphématoire (il outrage Dieu) mais le blasphème n’est pas interdit par la loi française.
En publiant à nouveau ces caricatures le 2 septembre 2020, jour de l’ouverture du procès des attentats de 2015, Charlie Hebdo a voulu réaffirmer la liberté d’expression garantie par la République française. En les montrant à ses élèves, Samuel Paty a voulu l’enseigner. Le terroriste islamiste, lui, a motivé son assassinat en prétextant venger le prophète du blasphème et en niant donc les lois de la République.

La liberté de la presse

Pages 60/61

CONSIGNE :

  1. Lisez et décrivez /résumez la planche.
  2. Contextualisez.
  3. Interprétez  : Formulez les questions que soulève la planche et proposez des réponses.

Problématique proposée par l’enseignante : Qu’est-ce que la liberté de la presse ?
Comment est-elle garantie en France et quel sens doit-on donner à l’affirmation « je suis Charlie » ?

Description :
Cette double page se compose de 10 cases. Les 9 premières se situent dans la classe de Samuel Paty qui fait cours à ses élèves sur la liberté de la presse. L’enseignant présente la presse d’opinion (des unes des journaux Libération, Canard enchaîné et Figaro sont d’ailleurs insérées dans la 2ème case). Il explique que la liberté de la presse est très relative et l’on voit derrière lui une carte de reporters sans frontières qui en fait état. On a enfin une insertion de sa leçon qui définit les termes et rappelle la conquête de la liberté de la presse en France. Il conclut en disant que la liberté de la presse est une grande avancée mais qu’elle reste toujours menacée, même en France.
La deuxième page aborde les attentats de 2015. On voit notamment le dessin réalisé au lendemain de l’attentat du 7 janvier par Loîc Sécheresse pour continuer à soutenir la liberté de la presse : il représente un poing ensanglanté tenant un crayon. La 10ème case représente la manifestation qui a eu lieu place de la République après les attentats de janvier 2015 et au cours de laquelle est scandé et exhibé le slogan « je suis Charlie ».

Contextualisation :
La leçon de Samuel Paty donne une bonne synthèse sur la conquête de la liberté d’expression. On peut l’étayer en rappelant précisément ce que dit la loi en France.
Héritiers des idées des Lumières, les principes de 1789 exprimés dans la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789 établissent les fondements d’une société française égalitaire, libre et fraternelle. Afin de combattre le fanatisme et l’intolérance, la liberté de croyance et la liberté d’expression y sont affirmées :
Art. 10. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi.
Art. 11. La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.
Le 10 décembre 1948, à Paris, au siège de l’Unesco, les Nations Unies s’inspirent du texte français et proclament la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Celle-ci est intégrée dans le préambule de la Constitution de notre Ve République (1958)
« Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ; Considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité et que l’avènement d’un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé ».
La liberté de croyance et la liberté d’expression déjà exprimée en 1789 y sont réaffirmées :
Art. 19. Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit.
Quant à la liberté de la presse, qui découle de la liberté d’expression elle est aussi garantie par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Celle-ci définit les libertés et responsabilités de la presse française, imposant un cadre légal à toute publication (pas de diffamation, d’incitation à la haine ni à la violence), ainsi qu’à l’affichage public, au colportage et à la vente sur la voie publique.
Art. 1. L’imprimerie et la librairie sont libres.

Interprétation :
La liberté de la presse consiste à pouvoir publier librement une opinion, à condition qu’elle ne soit pas diffamatoire et qu’elle n’incite ni à la haine, ni à la violence. En France, elle est garantie par la loi.
L’expression « Je suis Charlie » est un slogan créé par Joachim Roncin, un graphiste français, dans les heures suivant l’attentat du 7 janvier 2015. Cette phrase de soutien aux victimes et de défense de la liberté d’expression est principalement utilisée sous forme d’image ou d’un hashtag sur les réseaux sociaux, devenant notamment un des slogans les plus utilisés de l’histoire du réseau Twitter. Le slogan est utilisé dans le monde entier sous de multiples formes dans les manifestations de soutien aux victimes après l’attentat, en particulier lors des marches des 10 et 11 janvier réunissant quelques 4 millions de personnes en France.
Simon Fieschi, victime rescapée des attentats de 2015 à Charlie Hebdo a expliqué à plusieurs reprises qu’une confusion existait sur le sens de cette expression. Se positionner en disant « Je suis Charlie » ne veut pas forcément dire que l’on adhère à toutes les opinions exprimées dans Charlie Hebdo. Dire cela, selon lui, peut même relever du contresens, car cela supposerait que celui qui « est Charlie » n’accepte exclusivement que les opinions de Charlie et rejette les autres. Cela va à contre-courant de l’esprit Charlie : Charlie Hebdo est un journal d’opinion qui défend la liberté d’expression, c’est-à-dire la possibilité d’exprimer tous les avis, y compris opposés, ce qui alimente les débats contradictoires, salutaires dans une démocratie vivante. « Je suis Charlie » veut donc dire que l’on est d’accord avec la possibilité qu’a Charlie Hebdo (ou tout autre journal d’opinion) de s’exprimer librement, même si l’on n’est pas d’accord avec toutes les opinions qu’il publie (opinions exprimées aussi dans des dessins).

Le principe de laïcité

Pages 80/81

CONSIGNE :

  1. Lisez et décrivez/résumez la planche.
  2. Contextualisez  : indiquez à quels évènements elle fait référence.
  3. Interprétez  : formulez les questions que soulève cette planche et proposez des réponses.

Problématique proposée par l’enseignante : Comment l’incompréhension du principe de laïcité a-t-elle rendu crédible le mensonge d’une collégienne à son père ?

Description
La planche frappe d’abord par le contraste de tonalités entre la page de gauche très colorée et celle de droite terne et grise. A gauche, on distingue le visage d’une adolescente en larmes qui ouvre les mains pour raconter son histoire : celle-ci est résumée dans six cases d’images sans textes placées autour d’elle. Dans la première case le visage sévère de Samuel Paty demande qui est musulman. La deuxième image représente le professeur montrant fermement la porte de sortie aux élèves musulmans. Dans la troisième case, on voit l’adolescente qui raconte l’histoire restée assise sur sa chaise regardant avec un air de défi son professeur. Elle est vêtue à l’orientale, telle une héroïne des contes des mille et une nuits (ou telle « Jasmine », personnage de Disney). Dans la quatrième case, Samuel Paty projette à sa classe l’image d’un personnage barbu et dénudé à l’exception d’un turban sur la tête. Dans la cinquième case, la jeune adolescente s’oppose au professeur et cache de tout son corps l’image montrée. La dernière case illustre le renvoi pour deux jours de la jeune fille par la directrice à qui Samuel Paty est venu raconter ce qui s’est passé. La construction de la page de droite est verticale  : une première case représente le père de la jeune fille devant son ordinateur. En dessous, une autre case montre l’onglet « publier » de l’ordinateur. Une troisième image en dessous des précédentes fait un gros plan sur le doigt qui clique sur la souris et enfin une dernière case tout en bas montre le message envoyé qui résume le récit que lui a fait sa fille et qui appelle à se mobiliser pour « virer ce professeur d’histoire du collège ». En parallèle de ces 4 images, on voit une goutte noire qui tombe, explose au moment du « clic » à « 22h28 » et se dilue dans de l’eau.

Contextualisation
La jeune fille qui raconte cet épisode à son père s’appelle Zohra. Elle fait un mensonge : elle n’était pas présente lors du cours de Samuel Paty et a été exclue du collège deux jours en raison de son comportement turbulent. Des camarades de classe lui ont peut-être raconté le cours et elle s’en sert en le déformant pour justifier son exclusion auprès de son père. En réalité, après un premier cours sur la liberté de la presse, un deuxième cours a eu lieu sur une situation dilemme « être ou ne pas être Charlie ». A cette occasion, pour nourrir le débat, le professeur a projeté au tableau des caricatures du prophète parues dans Charlie Hebdo. Avant de les montrer, il a proposé aux élèves musulmans de ne pas regarder, si, en raison de leurs croyances, ils craignaient d’être offusqués.

Interprétation
Cette planche cruciale résume le point de départ de « l’affaire Samuel Paty ». En effet, le mensonge de l’élève, instrumentalisé par son père et diffusé sur les réseaux sociaux tombe sous les yeux d’un islamiste radicalisé qui décide d’assassiner le professeur. La page dédiée au mensonge est en couleurs vives, les expressions des visages sont caricaturales : Samuel Paty a l’air méchant quand il dit de sortir aux musulmans, il fait un rictus cynique quand il montre la caricature du prophète. Au contraire, le personnage de Zohra apparaît à la fois comme une victime et une héroïne : elle est renvoyée pour avoir défendu l’honneur du prophète, elle est d’ailleurs représentée de plus en plus grande au fil des dessins. Elle fait ici presque figure de martyre. Page de droite est décrite la froide colère du père qui a crû sans sourciller tout ce que lui a raconté sa fille et cherche à « virer » le prof. La métaphore de la goutte (de sang ou d’encre, à moins que ce ne soit une bombe ?) qui tombe et explose en se diluant dans l’eau illustre la manière dont le message écrit par le père de Zohra va se diffuser dans l’océan des réseaux sociaux et conduire au drame de l’assassinat de Samuel Paty.
On peut se demander pourquoi ce père croit aussi facilement sa fille (et continue à la croire après sa rencontre avec la directrice qui lui explique que l’exclusion de Zohra n’a rien à voir avec le cours de M. Paty mais est due à son comportement). Cela témoigne d’une incompréhension totale du principe de laïcité et du fonctionnement de l’école de la République. La laïcité est présentée ici comme discriminante à l’égard des religions et clairement islamophobe. C’est un contresens total. Depuis les lois de Jules Ferry de 1881-1882, l’école est gratuite, obligatoire et laïque. Elle enseigne les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. Or, le principe de laïcité vise à appliquer ces valeurs. La laïcité n’est pas l’interdiction ou la discrimination de telle ou telle religion (comme l’aurait fait, selon Zohra, Samuel Paty à l’égard des musulmans) au contraire, l’école laïque tolère toutes les croyances, donne la possibilité de croire ou de ne pas croire, et offre la chance de pouvoir vivre ensemble. L’école laïque interdit le port de signes religieux pour que les apprentissages puissent se faire dans la neutralité. En outre, les croyances religieuses relèvent de convictions personnelles, elles peuvent s’identifier à des opinions dogmatiques. A l’école, on apprend des connaissances vérifiées. Les règles de la laïcité à l’école sont réaffirmées et inscrites dans la charte de la laïcité à l’école de 2013, affichée dans tous les établissements : Zohra et son père (mais hélas aussi bien d’autres acteurs de cette histoire) n’ont pas compris le sens de cette charte ou n’y adhèrent pas…

Réseaux sociaux et harcèlement

pages 109/ 110

CONSIGNE :

  1. Lisez et décrivez/résumez la planche.
  2. Contextualisez  : indiquez à quels évènements elle fait référence.
  3. Interprétez  : formulez les questions que soulève cette planche et proposez des réponses.

Problématique proposée par l’enseignante : Comment l’emballement des réseaux sociaux a-t-il conduit au harcèlement de Samuel Paty avant son assassinat ?

Description
Sur la partie gauche en haut de la planche, six images rectangulaires marquées de l’onglet « live » en rouge forment une sorte de photogramme de la vidéo que prend un élève en vue de la poster sur les réseaux sociaux. Il filme Samuel Paty qui rentre chez lui et lui lance un « Paty raciste ». La dernière image montre un collègue de Samuel Paty qui surgit et confisque le téléphone de l’élève, le lançant dans une immense vague qui déferle au milieu de la planche, prête à engloutir le collège du Bois d’Aulne représenté sur la droite. La vague est constituée de mains tenant des téléphones portables, la mousse de l’écume composée d’émoticônes. La texture noire de la vague superpose des dizaines de fois le mot « raciste ». L’arrière-plan de l’image est sombre, dans une tonalité ocre noire.

Contextualisation :
Réseau social (nom, masculin) : désigne un site internet ou une application mobile permettant de développer des interactions sociales, de se constituer un réseau de connaissances, d’amis ou de relations professionnelles, avec lequel on interagit en temps réel.
Les réseaux sociaux permettent de développer des liens sociaux mais ils peuvent aussi être utilisés à mauvais escient pour diffuser des idéologies radicales, des théories complotistes, des rumeurs, des infox et de la diffamation, inciter à la haine, harceler. Dans le cas d’attentats terroristes, ils servent, en amont, à diffuser l’idéologie islamiste et à radicaliser de jeunes gens qui deviennent candidats au Djihad. Ils sont ensuite utilisés pour la mise en œuvre logistique des attentats. Toutes ces infractions sont punies par la loi mais il faut savoir aussi s’en protéger seul. L’observatoire du conspirationnisme et son site « conspiracy watch » sensibilisent aux dangers du complotisme en assurant un travail d’information et de veille critique.

Interprétation :
Le mensonge de l’élève est relayé par son père et des milliers d’autres personnes sur les réseaux sociaux. Internet désigne Samuel Paty comme un enseignant raciste qui discrimine les musulmans. Le professeur est jeté en pâture à la vindicte numérique. Le supposé racisme de Samuel Paty est une rumeur mais elle se répand via les milliers de messages que s’envoient élèves et adultes. L’élève qui filme se met lui-même en scène en train d’insulter le professeur : il doit considérer que c’est une prouesse ou un « défi » qui lui vaudra de nombreux « smile » ou « j’aime » quand il la postera sur les réseaux. Le dessinateur montre très poétiquement l’ampleur que prend la rumeur en réinterprétant la vague de Hokusai. La métaphore de l’océan avait déjà été utilisée dans la planche du message lancé par le père (p 80 81) Ici, elle est réutilisée pour illustrer la déferlante numérique de critiques et de rumeurs qui s’amplifie de plus en plus sur les réseaux et qui s’apprête à s’abattre sur Samuel Paty.

Islamisme radical et terrorisme

Pages 366/37/38 et pages 54/55

CONSIGNE :

  1. Lisez et décrivez/résumez la planche.
  2. Contextualisez : indiquez à quels évènements elle fait référence.
  3. Interprétez : formulez les questions que soulève cette planche et proposez des réponses.

Problématique proposée par l’enseignante : Comment se caractérise l’idéologie islamiste radicale et comment est-elle relayée ? Peut-elle être contrôlée ? Quelle est l’influence de la géopolitique internationale dans la radicalisation ? Comment un candidat au djihad en arrive-t-il à assassiner Samuel Paty ?

Description :
Les deux premières planches analysent le profil du terroriste qui a assassiné Samuel Paty. Contrairement à d’autres pages du livre, la planche est moins dessinée et comporte beaucoup plus de texte. On y découvre le visage de Abdoullakh Anzorov, un jeune homme dont la famille a fui la Tchétchénie en guerre et s’est réfugié en France dans les années 2000. Une image de ville détruite avec un char évoque cette guerre et page de droite, une carte permet de localiser la Tchétchénie. Un paragraphe explique brièvement les tenants de la guerre en Tchétchénie (aujourd’hui appartenant à la fédération de Russie) qui a jadis opposé des pro russes, des indépendantistes non religieux et d’autres indépendantistes favorables à un Etat islamiste. Le caractère d’Anzorov est décrit et dessiné dans trois vignettes comme celui d’un jeune homme violent, qui a été exclu de son lycée professionnel et est connu des services de police. On le découvre à partir de ce qu’il décrit sur les réseaux sociaux (dont les logos sont dessinés). Il tient des propos complotistes (des journalistes tués lors de l’attentat de Charlie Hebdo auraient été enterrés en Israël). La page 38 présente quelques unes de ses publications durant l’été 2020. Elles témoignent de la radicalisation du jeune homme qui liste tout ce qui est « haram » (impur), avec un post d’une bêtise crasse (qui pourrait faire rire si les circonstances n’étaient pas aussi dramatiques) critiquant le fromage « Caprice des dieux » comme contraire aux croyances ! Au nom de la défense d’Allah, il est antisémite et antisioniste, homophobe et misogyne. Tous ses propos extrêmes et haineux sont repérés par le portail Pharos dont le logo est dessiné. A la fin de cette page, plusieurs publications évoquent la guerre en Syrie, Anzorov est fasciné par le conflit qui s’y déroule et dit vouloir mourir au djihad.
La troisième planche (p 54/55) est un récapitulatif d’images de plusieurs pages du roman graphique pour « résumer » les intentions de l’islamiste. Toutes les vignettes de cette planche ont été collectées dans les pages précédentes de la BD. Le dessinateur a composé sa planche tel un tableau d’enquêteur : on voit deux mains qui posent différentes images et une troisième main qui trace des traits entre elles, les mettant en réseau. Quelques posts sont également rappelés.
On remarque une progressivité chronologique des évènements qui conduisent le terroriste à la décision de passer à l’acte en France : tout en haut, une image rappelle les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis par l’organisation terroriste islamiste Al Qaida. En dessous, une image de la une de Charlie Hebdo rappelle le débat sur les caricatures, une autre évoque les manifestations anti françaises de pays musulmans au moment de l’ouverture des procès des attentats de Charlie Hebdo : cette partie correspond au contexte. Le bas de la planche à gauche rappelle le profil d’Anzorov : son origine tchétchène, son caractère violent, ses publications misogynes, homophobes, antisémites et sa fascination pour le djihad. Sur la page de droite, une page de prédication d’Al Qaida publiée sur internet et l’appel au djihad d’un prédicateur montrent la radicalisation sur internet de plus en plus importante d’Anzorov. Ensuite, deux images évoquent divers meurtres commis à Evreux et le monde violent qui entoure l’islamiste. Enfin, les dernières images montrent Anzorov demandant sur les réseaux l’adresse de quelqu’un qui « se moque de la religion ». La page se termine avec cette phrase « Désormais, le jeune Tchéchène renonce à partir combattre en Syrie. Il cherche une cible pour faire son djihad ici, en France. »

Contextualisation
En droit international, le terme de « réfugié » est utilisé pour désigner une personne qui, en cas de retour dans son pays, craint « avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe ou de ses opinions politiques ». Être reconnu comme réfugié passe souvent par le dépôt d’une demande d’asile individuelle auprès d’un État. (définition Amnesty international).
La géopolitique internationale, et plus particulièrement la situation très complexe du Proche-Orient suscite des réactions en France et sert également de prétexte aux terroristes qui justifient leurs attentats comme une extension du djihad dans l’hexagone. Le conflit en Syrie a débuté en 2011. Il est né dans le contexte des printemps arabes et de ses revendications démocratiques, il est d’abord mené par des « rebelles » en opposition au régime du président chiite Bachar El Assad. La nature du conflit – qualifié de guerre civile au départ - a évolué avec l’arrivée du groupe Daech aux côtés des rebelles. La communauté internationale s’est alors mobilisée contre l’’État islamique (autre nom de Daech), une organisation terroriste politico-militaire, d’idéologie salafiste djihadiste ayant instauré entre 2014 et 2019 un califat sur les territoires sous son contrôle en Irak et Syrie.
Le djihad est un terme arabe qui signifie « effort sur le chemin vers Dieu ». Cet « effort » peut revêtir plusieurs formes. L’islamisme (courant de pensée et doctrine, prônant l’islam comme une idéologie politique) a donné un sens guerrier au terme djihad en encourageant une « guerre sainte » contre les infidèles pour s’imposer. Si Daech est un groupe qui prône le djihad au Proche-Orient contre les chiites, Al Qaida (à l’origine des attentats de New York du 11 septembre 2001) appelle davantage au djihad contre l’Occident.

Interprétation :
Ces pages permettent de comprendre ce qu’est un islamiste radicalisé. Il ne s’agit pas de faire des amalgames ni de confondre religion musulmane et terrorisme islamiste. Les terroristes islamistes se servent d’une interprétation extrémiste de la religion islamique pour justifier leur barbarie et tentent d’imposer leur domination politique et idéologique par la terreur. Leur cible principale est la culture occidentale et ses idéaux démocratiques et libéraux nés des Lumières. L’islamisme s’est développé d’abord au Proche-Orient. Or, la situation géopolitique internationale a une influence majeure sur la radicalisation de l’assassin de Samuel Paty : il a fui enfant un conflit d’une violence extrême en Tchétchénie, il a grandi en France, et s’est radicalisé. On perçoit dans ses posts sa fascination pour le djihad qu’il érige en modèle à suivre : « me faire couper la tête en plein djihad tel est mon souhait » dit-il.
Outre que ces deux planches témoignent de son envie de rejoindre Daech en Syrie, elles montrent aussi le rôle des réseaux sociaux pour répandre l’idéologie islamiste. Anzorov s’est vraisemblablement radicalisé sur internet qui ne parvient pas à contrôler de manière efficace la diffusion de messages haineux et/ou à caractère terroriste, même s’ils sont interdits par la loi. Le portail PHAROS a été créé en 2009 par le Gouvernement français pour signaler des contenus et comportements en ligne illicites. Elle a bien repéré en juillet 2020 certains propos de Anzorov, mais c’était déjà trop tard, il était un candidat au djihad. La dernière planche montre comment le terroriste radicalisé, plutôt que de partir en Syrie, choisit de faire son djihad en France, encouragé par la prédication du groupe Al Qaida.

L’hommage à Samuel Paty

pages 12/13 et pages 153/156

CONSIGNE :

  1. Lisez et décrivez/résumez les planches (situées au tout début et à la fin du roman graphique).
  2. Contextualisez : Pour cette analyse de planches, la contextualisation est donnée par le site de l’aphg
  3. Répondez à la question d’interprétation conclusive : où et comment rendre hommage à Samuel Paty … mais aussi à Dominique Bernard et à tous les « profs » de la République ?

Description
La première planche se compose d’une page de 7 cases à gauche face à un dessin en pleine page à droite. Il y a très peu de texte. Les images décrivent l’entrée d’un cercueil porté par des militaires de la garde républicaine. Une case en vue aérienne nous montre que la scène a lieu dans la cour de la Sorbonne. Le cercueil est déposé devant les marches qui mènent à la chapelle de l’université. A côté de lui, un garde républicain tient la photographie de Samuel Paty avec ses dates de naissance et de mort (1973-2020). La page de droite présente une vue en contre-plongée de la cour d’honneur de la Sorbonne. En haut, on devine à peine une silhouette fondue dans le noir du ciel : il s’agit de Mickaêlle Paty, la sœur de Samuel Paty qui explique que « la chanson One était le choix de la famille. Le CD du groupe U2 n’était pas rangé chez Samuel, c’était donc la dernière chose qu’il avait dû écouter ». Sur la double page en effet sont inscrites en rouge les paroles de la chanson qui est diffusée au moment de l’entrée du cercueil dans la cour de la Sorbonne : « One life, but we’re not the same. We get to carry each other » (une seule vie, mais nous sommes tous différents et nous devons nous soutenir). La palette de cette première planche mêle un bleu grisé, le rouge qui domine, le tout souligné par le blanc des phylactères et des délimitations des cases. Même si les trois teintes ne correspondent pas exactement à celles du drapeau français, elles les rappellent.
La seconde planche, composée de 9 cases, présente la première cérémonie de remise du prix Samuel Paty, le 6 octobre 2022 en Sorbonne. La première case nous plonge dans un amphithéâtre occupé par un public très nombreux. La deuxième et la dernière cases montrent Christophe Capuano, ami de Samuel Paty et président du jury qui souhaite la bienvenue au public et rappelle le professeur de la République « honnête droit et cultivé » que Samuel Paty était. La troisième case donne la parole à Joëlle Alazard, présidente de l’APHG, association à l’origine du concours qui permet de « donner le dernier mot à Samuel ». Au centre de la planche, une case présente l’affiche du thème 2022 « sommes-nous toujours libres de nous exprimer » ? Elle est entourée de deux cases donnant la parole à Mickaëlle Paty qui rappelle que le concours poursuit l’œuvre de son frère car « enseigner c’est expliquer, et non se taire ». Elle encourage élèves et professeurs à répondre « Oui » à la question posée par le concours.
La troisième planche (qui est aussi la dernière page du roman graphique) présente les élèves lauréats de la première édition du prix Samuel Paty accompagnés de leurs professeurs. Ils sont radieux dans la cour d’honneur de la Sorbonne. A l’arrière-plan, on distingue le dôme de la chapelle de la Sorbonne.

Contextualisation :
Lien vers le règlement du prix Samuel Paty sur le site de l’APHG :
https://www.aphg.fr/IMG/pdf/re_glement_inte_rieur_prix_samuel_paty_2022_2023_1_1_.pdf

Interprétation conclusive :
Le 21 octobre 2020, dans la cour d’honneur de la Sorbonne, est célébré l’hommage national à Samuel Paty, en présence du président de la République, des membres du gouvernement et du corps politique, de représentants de la communauté éducative, de collègues, élèves, parents et amis de Samuel Paty. Une foule immense et émue s’est massée en silence devant l’Université, sur la place de la Sorbonne et la cérémonie retransmise par les médias est suivie par des milliers de personnes. C’est la Nation tout entière qui rend hommage à un « hussard de la République » frappé par l’obscurantisme.
Entre les statues de Victor Hugo et Pasteur, le cercueil de Samuel Paty est amené devant les marches conduisant à la chapelle de la Sorbonne. Les mânes de l’enseignant martyr côtoient alors celles de Jean Cavaillès et d’autres héros de la Résistance inhumés dans la crypte.
C’est dans la cour d’honneur de la Sorbonne que débute le roman graphique de Valérie Igounet et Guy Le Besnerais avec la cérémonie d’hommage à Samuel Paty. C’est dans cette même cour d’honneur qu’il s’achève, avec les élèves lauréats du prix Samuel Paty. Un prix qui a l’ambition de « favoriser la cohésion et la coopération grâce à un projet de classe ». Un prix « centré sur les principes et valeurs démocratiques, au cœur de la construction intellectuelle et citoyenne des élèves ».
Le choix de la Sorbonne n’est pas anodin. La plus ancienne et prestigieuse des universités françaises, temple du savoir universaliste et de l’esprit critique, incarne à elle seule toutes les valeurs de la République enseignées à l’école.
Trois ans après l’assassinat de Samuel Paty, à Arras, un terroriste islamiste a de nouveau nié ces valeurs en poignardant un professeur de lettres, Dominique Bernard.
Malgré la colère, malgré le découragement, face à cette histoire qui bégaie, les terroristes ne gagneront pas. L’école de la République restera debout et continuera ses missions. Ses « profs », à l’instar de Samuel Paty et de Dominique Bernard, continueront à enseigner aux élèves des connaissances vérifiées et à leur apprendre à réfléchir par eux- mêmes, dans un esprit de tolérance et de respect mutuel conforme à la laïcité.

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