Popularisée en France seulement dans les années 2000, y compris auprès du grand public, cette notion a été officiellement introduite en 1987 dans le rapport Brundtland "Notre avenir à tous", publié, au sein de l’ONU, par la Commission mondiale pour l’environnement et le développement dont le chef de gouvernement de Norvège assurait alors la présidence. Le succès de la formule tient à sa concision et à son caractère consensuel : "un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs". Le rapport cible notamment "les besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité". Bien que le terme ne figure pas dans cette courte définition, l’enjeu de la préservation de l’environnement et des ressources non renouvelables est fortement sous jacent et d’ailleurs explicitement abordé dans le rapport.
La question du rapport entre l’homme et son environnement est évidemment bien plus ancienne que le rapport Brundtland et se pose dès l’Antiquité. La révolution industrielle, par son caractère prédateur, accentue la gravité de la question et dès la fin du XIXe siècle les premières mesures conservatoires sont prises (création du parc naturel du Yellowstone aux Etats-Unis en 1872). Les années 1970 ont vu aussi émerger fortement les idées écologistes, souvent portées par de puissantes organisations non gouvernementales (Greenpeace, WWF...), notamment aux Etats-Unis et préparaient ainsi l’émergence de la notion de développement durable.
On s’accorde généralement à reconnaître trois dimensions à la notion de développement durable : économique, environnementale et sociétale. Cette dernière, qui peut comprendre aussi un volet culturel et même éthique, vise à promouvoir plus de justice socio-spatiale et de solidarité. Mais elle reste souvent trop négligée. Pour être concrètement mis en place, un développement durable implique aussi une nouvelle gouvernance, plus démocratique et participative, veillant à mieux associer les citoyens dans les processus de décision, en particulier à l’échelle locale.
Un développement durable doit s’envisager à toutes les échelles, mondiale, nationale ou locale. Au plan mondial, les succès sont très limités comme le montre la manière de traiter la question du réchauffement climatique, faute d’une réelle gouvernance mondiale. En revanche, "les agendas 21 locaux", recommandés depuis le "Sommet de la Terre" de Rio en 1992, peuvent être source de progrès. Bien que concernant potentiellement toue la planète, le développement durable reste encore une idée du Nord qui n’est pas toujours perçue comme une priorité dans les pays émergents ou les pays pauvres où la croissance économique et la lutte contre la pauvreté prévalent sur toute autre préoccupation, notamment environnementale. Plus globalement, le développement durable ne doit pas être considéré comme une doctrine ou un modèle. Il s’agit avant tout "d’un cadre de débat politique et d’action publique". [2] A ce titre il donne lieu à des divergences fortes entre tenants d’une durabilité forte ou faible. Certains écologistes accusent les entreprises de masquer d’une "peinture verte" la poursuite d’une logique productiviste. A l’inverse, les experts du "sous-développement" soupçonnent les environnementalistes de s’opposer, sans toujours en être conscient, aux intérêts véritables des pays du Sud. [3]
La notion de développement durable est par nature pluridisciplinaire. La géographie est toutefois pleinement concernée puisque cette discipline s’intéresse depuis toujours aux relations Homme / milieu. A l’échelle locale ou nationale, le développement durable interroge aussi les formes d’aménagement des territoires qu’étudient les géographes. [4]
Pour faire progresser les savoirs et évoluer les pratiques des acteurs spatiaux, une éducation au développement durable (EDD) s’impose. Elle est effective en France dans l’Education nationale depuis une circulaire de juillet 2004. En quelques années, de nombreux programmes et filières ont été repensés en ce sens. En 2010, les nouveaux programmes de Géographie de Cinquième et de Seconde sont significativement titrés : "Humanité et développement durable" et "Sociétés et développement durable". Dans l’enseignement technologique apparaît la même année une nouvelle filière intitulée "Sciences et technologie de l’industrie et du développement durable" (STI2D). Dans l’enseignement scolaire, l’EDD peut contribuer au développement de l’esprit critique et constituer une excellente initiation à la complexité, à la prospective et à certaines valeurs comme celles de justice socio-spatiale, de responsabilité, de solidarité.
Historiens & Géographes, novembre 2010, n°412, p. 73-74. Tous droits réservés.