La fondation de La Presse d’Émile Girardin en 1836, annonce le basculement de la France dans l’ère médiatique (Thérenty, 2009). Bouleversant le journalisme français, l’équipe de Girardin donne la priorité au « récit des événements », délaissant le discours rhétorique. À cette première innovation, s’ajoute l’importance accordée aux feuilletons à succès, autant de nouveautés qui forcent les concurrents à s’adapter et à suivre ces renouvellements. Cette importance donnée à un récit narratif, qui absorbe les diverses informations pour construire un fil d’actualités, préfigure l’émergence de la presse de masse, connaissant son véritable essor à la fin du siècle.
Le XIXe siècle est ainsi un moment de basculement du rapport à l’« actualité », à une information médiatisée à l’échelle nationale, continentale, puis mondiale. Il est suivi au XXe siècle par la montée des technologies de l’information et de la communication, de la radio jusqu’aux chaînes d’information en continu, qui suivent ces premiers pas de la médiatisation des événements, de sorte à créer une vague d’informations sans comparaison avec les premiers pas de la presse. Aux médias dits « traditionnels », s’ajoutent désormais une pluralité de réseaux sociaux, dont le format de vidéos et d’images vise plus à faire absorber un flux de faits épars et de petites touches d’actualité, qu’à produire un récit construit et détaillé.
Les élèves, en tant que citoyens en devenir, sont confrontés à cette multiplication des sources d’information à disposition. Il est à noter que cet accroissement sans précédent des informations ne signifie pas une amélioration de la qualité de la compréhension des faits d’actualité. Au contraire, cette massification met au défi la capacité de l’esprit humain à recevoir tous ces faits, brèves d’actualité, images ponctuées d’émoticônes, vidéos, mèmes, dont la rapidité d’apparition et de disparition rend difficile de vérifier la véracité.
Ceci peut entraîner en retour un « effet tunnel », le choix de ne se contenter que d’un nombre réduit d’informations, subjectives, et confortant une opinion déterminée en amont ; ou, à l’inverse, empêcher de hiérarchiser cette masse de renseignements, et se contenter d’une vue superficielle des événements d’actualité. Alors que la première réaction des Français à l’évocation des médias est « la méfiance » pour 55 % d’entre eux (IFOP, juin 2021), ce nouveau rapport à l’information concerne particulièrement nos élèves, amenés à s’informer, bien davantage que leurs aînés, par des sources en ligne. Le travail de l’enseignant d’histoire-géographie auprès de ses classes se doit en conséquence de prendre en compte la défiance à l’égard des médias, particulièrement sous leur format « traditionnel », qui s’est diffusé parmi les jeunes générations, la multiplication des « fake news » en ligne et ailleurs, et le développement des discours donnant le premier plan à des théories du complot. Ces questionnements sont bien pris en compte dans les programmes, que ce soit dans le cadre de l’éducation civique et morale, du programme commun ou du cours d’HGGSP. Ainsi, les programme de Première générale consacrent l’intégralité du thème 4 d’HGGSP : « S’informer : un regard critique sur les sources et modes de communication ». De même, l’étude du rapport à l’information est notable à plusieurs occasions : étude de la propagande en temps de guerre ou dans le cadre d’un régime totalitaire, analyse de la construction républicaine en France et sur les controverses par voie de presse, ou encore par l’étude de la globalisation, favorisant l’émergence d’« événement-monde » (Sirinelli, 2002).
Le rapport à l’information dans une salle de classe est l’objet d’études de cette journée. Elle s’inscrit à la suite des deux premières manifestations scientifiques : « Utiliser ses recherches historiques dans les cours de l’enseignement secondaire », organisées à l’Université de Lille en 2020 et 2021, par le laboratoire IRHiS et l’APHG. Ces journées conviaient des enseignants du secondaire à présenter leurs travaux de thèse, ou autres recherches scientifiques, et à montrer comment leurs recherches permettaient d’influencer leur pratique pédagogique, auprès de leurs élèves.
Cette nouvelle édition 2022 s’inscrit dans la même logique, en ayant choisi à présenter d’étudier en détail une seule thématique : « S’informer ». Cette édition invite les collègues enseignants dans le secondaire, quelle que soit leur situation ou établissement (collège, lycée général, technologique et professionnel, stagiaires, étudiants en cours de formation, jeunes chercheurs), à présenter une communication en lien avec cette thématique générale. Les enseignants doivent seulement avoir mené, ou continuer à mener, un travail de recherche historique, que ce soit sous la forme d’un doctorat, d’un projet scientifique, ou de la participation à une société savante. Les communications peuvent s’étendre de l’Antiquité à l’Époque contemporaine, et indépendamment de leur localisation géographique, ou des acteurs traités, tant qu’elles font l’objet d’une retranscription pédagogique.
Chaque intervention doit ainsi se diviser entre un moment de présentation des recherches du candidat, suivi d’une retranscription pédagogique : une séquence, une séance, ou un exercice proposé à ses élèves à partir des recherches en question. Cette activité peut avoir déjà été pratiquée en classe ou non. Elle peut viser aussi bien un thème d’histoire dans le programme commun, le thème 4 de l’HGGSP ou une séance d’EMC.
La journée aura lieu à l’Université de Lille, site du Pont de Bois, Villeneuve d’Ascq. En cas de déplacement trop lointain, ou d’impossibilité de se rendre à Lille, il est possible d’y participer en visio-conférence.
Les actes de la journée d’études seront publiés dans la revue Historiens et Géographes, à l’occasion de son numéro 24, prévu pour le mois de février 2024
Date de la journée d’études
Lundi 24 octobre 2022, IRHiS, Université de Lille, site du Pont-de-Bois, Villeneuve d’Ascq
Conditions de réalisation
Comité organisateur
– Ivan Burel, Samy Bounoua, Delphine Dufour (doctorants IRHiS, enseignants agrégés d’histoire).
Comité scientifique
– Mathieu Clouet (IPR d’histoire-géographie, Référent laïcité de l’Académie de Lille)
– Nicolas Mathieu (Luhcie, Université Grenoble-Alpes)
– Marjorie Meiss (IRHiS, ULille)
– Jean-Baptiste Santamaria (IRHiS, ULille)
Les propositions de communication devront inclure une présentation de 300 mots/2000 signes comportant le titre envisagé.
Les propositions sont à rendre pour le 15 juin 2022.
Elles doivent être envoyées aux adresses suivantes : ivanburel.iep@gmail.com, samy.bounoua@univ-lille.fr, delphine.dufour.etu@univ-lille.fr
La réponse sera donnée, après examen des comités organisateur et scientifique, à la fin du mois de juin.
© Ivan Burel pour Historiens & Géographes, 26/04/2022. Tous droits réservés.