Exposition vitraux d’artistes à l’abbaye royale de Fontevraud Abbaye de Fontevraud 1er juillet – 1er novembre 2020

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Par Marie-Christine Bonneau-Darmagnac. [1]

Au cours des XXe et XXIe siècles, de nombreux artistes ont apporté leur contribution à l’art du vitrail. L’exposition, qui se tient à Fontevraud du 1er juillet au 1er novembre 2020, réunit 29 artistes (Jean-Michel Alberola, Jean Bazaine, Stéphane Belzère, Marcel Breuer, Pierre Buraglio, Jean-Marc Cerino, Gérard Collin-Thiébault, Jean-François Comment, Gérard Garouste, Simon Hantaï, Rémy Hysbergue, Ann Veronica Janssen, Jacques Le Chevallier, Fernand Léger, Gabriel Loire, Pierre Mabille, Alfred Manessier, Robert Morris, Aurélie Nemours, Jean-Michel Othoniel, David Rabinowitch, Jean-Pierre Raynaud, François Rouan, Georges Rouault, Gilles Rousvoal, Matthew Tyson, Claude Viallat, Jacques Villon, Carmelo Zagari) dans une chronologie des années 1930 à nos jours.

À travers études préparatoires, maquettes, panneaux d’essais et reproductions d’atelier, l’exposition « Vitraux d’artistes » retrace l’histoire des grandes commandes publiques dans des lieux aussi prestigieux que les cathédrales de Metz, Nevers, Rodez, Digne-les-Bains ou encore Tours mais aussi dans des églises plus modestes comme l’église d’Audincourt, la chapelle des Mineurs de Faymoreau, celle de Montferrand-le-Château.

Les œuvres exposées proviennent du Centre Georges Pompidou ; de l’Institut d’art contemporain (IAC), Villeurbanne ; Cité du vitrail à Troyes ; musée des Beaux-Arts de Reims ; musée Boucher-de-Perthes d’Abbeville, .de fonds de dotation d’artistes (Jacques Le Chevallier, Jean-François Comment) et de collections privées : ayants-droits, collectionneurs, artistes, l’ordre des Dominicains et les ateliers de maîtres-verriers.

©Abbaye de Fontevraud

L’art contemporain doit-il faire son entrée dans les édifices religieux ?

Ces dernières années, les incendies de la cathédrale Notre-Dame de Paris, ou celle de Nantes plus récemment, placent de nouveau la question de la restauration des bâtiments religieux au centre des débats de la société. Le débat est néanmoins ancien.
C’est à Notre-Dame de Paris en 1939 que la première querelle des vitraux éclate avec les partisans du pour ou du contre l’introduction de l’art moderne dans les édifices patrimoniaux et culturels. C’est sous l’impulsion du père Couturier qui co-dirige la revue L’Art sacré avec le père Régamey que la question de l’entrée de l’art contemporain se fait jour. Il s’agissait de remplacer les verres blancs installés par Viollet Leduc sur 12 fenêtres ainsi que 12 petites rosaces. La guerre interrompt le projet qui reprend dans les années 1950. Jacques Le Chevallier et Jean Bazaine posent, sous l’autorité d’André Malraux, au milieu des années 1960, des vitraux abstraits à Paris, le premier à Notre-Dame, le second, à l’église Saint-Séverin. Pourtant, dans les années 1950 et 1960, l’art contemporain devait toujours franchir de nombreux obstacles pour faire son entrée dans les édifices religieux.
Finalement, l’argumentation du père Couturier qui consiste à dire « qu’il vaut mieux s’adresser à des hommes de génie sans la foi que des croyants sans talent » l’emporte et, malgré les polémiques, s’impose un renouveau qui touche particulièrement la création des vitraux.

Des artistes qui renouent avec la tradition des commandes

En 1956, à la tête des Monuments historiques, l’architecte Robert Renard fait appel à des peintres de renom pour concevoir les nouvelles verrières de la cathédrale de Metz. Fernand Léger et Georges Braque refusent mais Jacques Villon, Roger Bissière et Marc Chagall acceptent. De la sorte, Robert Renard rétablit le lien entre le vitrail et la peinture contemporaine, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives qui, malgré les polémiques parfois violentes qu’elles suscitent, constituent les prémices d’une époque nouvelle.

Au début des années 1980, l’action volontariste du ministère de la Culture, et plus particulièrement celle du service des Monuments historiques, poursuit et amplifie cette évolution de faire appel à des artistes contemporains. Il en va différemment pour les églises paroissiales où de telles opérations s’avèrent plus complexes dans la mesure où elles nécessitent l’intervention d’acteurs et de financeurs multiples.

Dans l’exposition, un large focus est fait sur le travail de Gérard Garouste pour l’église de Talant. Il gagne le concours organisé par la commune et la DRAC et propose un parcours de 46 vitraux. Cette section de l’exposition donne à voir les dessins annotés de Gérard Garouste mettant notamment en valeur le parcours de 14 femmes de la Bible. Les vitraux ont été réalisés par le maître verrier Pierre-Alain Parot, coopération indispensable à la réussite technique du projet porté par Gérard Garouste.

©Abbaye de Fontevraud

Un travail d’équipe fructueux entre artistes et maitres verriers qui renouvelle l’art du vitrail aux XXe et XXIe siècles

Artistes et maîtres verriers inventent ainsi un nouveau répertoire créatif dans les lieux de culte, parfois très éloigné des représentations traditionnelles. Entre figuratif et non figuratif (c’est Alfred Manessier qui impose le non figuratif dès le milieu du XXe siècle), l’art du vitrail se renouvelle en utilisant toutes les techniques possibles pour sublimer le verre et la lumière. Ainsi, si certains artistes continuent à utiliser le plomb pour concevoir leurs œuvres, d’autres imaginent de nouvelles solutions s’affranchissant totalement des techniques traditionnelles. L’utilisation du plomb, matériau structurant du vitrail devient également matériau à part entière du projet artistique. L’exposition le montre de façon magistrale en présentant les œuvres de Pierre Mabille, Jacques Villon, Jean-Pierre Raynaud, Jean-Michel Othoniel, Aurélie Nemours.

L’art du vitrail n’a cessé de se moderniser et les technologies les plus récentes comme l’impression numérique sont désormais utilisées. C’est le cas pour les vitraux de la cathédrale de Tours imaginés par Gérard Collin-Thiébaut. L’artiste a réalisé toutes ses maquettes avec des outils numériques, et les ateliers Parot, ont dû inventer une nouvelle technique pour arriver à fabriquer les images superposées imaginées par Gérard Collin-Thiébaut. Les ateliers ont conçu un nouveau verre de couleur permettant de réaliser toutes les verrières. Collin-Thiébaut n’imagine pas travailler autrement qu’avec toutes les techniques de son temps.

Les artistes très respectueux de l’architecture des bâtiments et des contraintes imposées font preuve d’une inventivité incroyable dans l’art du vitrail et donnent à voir aux visiteurs des projets où liberté et créativité sont les maitres mots laissés aux artistes. « Une immense part de l’aventure du vitrail tient, on le sait, à son rapport étroit avec l’église qui l’accueille et le valorise. Pour un artiste, la commande de vitraux d’église demeure une merveilleuse incitation à la création et une reconnaissance durable de son travail, comme si par le vitrail l’artiste accédait à une consécration particulière » (Jean-Paul Deremble).

Pour compléter cette exposition, une journée de rencontre avec les artistes se tiendra le 31octobre en présence de Christine Blanchet, commissaire de l’exposition.

Le site de l’exposition pour réserver vos billets

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Notes

[1Professeure d’histoire-géographie Jules Verne de Buxerolles (86)