Après cette séquence abracadabrantesque où a éclaté au grand jour le mépris de la ministre, à peine nommée, pour l’école publique et ses personnels, nos collègues constatent que non seulement les dotations horaires globales ne comprennent pas les lignes budgétaires correspondant au doublement annoncé des heures d’« instruction civique », mais que des classes et des postes sont supprimés pour permettre l’application de mesures annoncées hâtivement par le précédent ministre au cours de son bref passage rue de Grenelle. En outre, le financement des groupes de niveau apparaît pour le moins nébuleux. Ce n’est évidemment pas en dégradant les conditions de travail des enseignants, et en appauvrissant encore plus les établissements publics, que le gouvernement revalorisera le métier d’enseignant et répondra aux attentes d’une communauté éducative que l’on prétend considérer mais que l’on ne daigne pas écouter. Si les plus hautes autorités de l’État souhaitaient ajouter à la crise des recrutements une vague de démissions de professeurs dévoués à leur métier et à leurs élèves, mais usés et écœurés par la succession effrénée de « réformes » plus insensées les unes que les autres, elles ne s’y prendraient pas autrement. Alors que la confiance est rompue depuis longtemps, que des professeurs sont menacés, agressés, désignés à la vindicte publique par ceux qui doivent les valoriser et les protéger, ces passages en force sont-ils la priorité ?
Plutôt qu’un exercice de communication montrant surtout que l’exécutif connaît bien mal ce qui se passe dans les classes, plutôt que de grandes envolées sur la chronologie que l’on n’enseignerait plus, ou des rodomontades sur l’uniforme ou le SNU, il est crucial de répartir les moyens plus équitablement et de donner aux établissements les moyens dont ils ont besoin. Les récentes révélations sur le financement de certains établissements privés rendent la situation de nombreux lycées encore plus ubuesque et, loin de mettre en lumière l’abîme entre certains parcours scolaires - situation déjà maintes fois dénoncée -, montrent plutôt l’adhésion et la participation de l’élite politique à l’instauration d’une école à deux vitesses. Faut-il rappeler que certains établissements scolaires de l’enseignement public n’étaient plus en situation, à la rentrée de janvier, de payer les factures de chauffage ? Est-il, dans ces conditions, urgent de dépenser « un pognon de dingue » en uniformes ?
Dire n’est pas faire, et le pouvoir exécutif ne doit plus se limiter à une parole performative ; il doit comprendre que donner un cap n’a de sens qu’en allouant les moyens nécessaires pour l’atteindre. Sinon la parole publique et la confiance civique sont davantage désarmées que réarmées... On ne fait pas nation en déclarant la guerre à ceux qui font chaque jour avancer l’école publique.
Nos élèves et nos collègues méritent mieux que la fabrique d’un discours décliniste et mensonger, porteur de dangers et de désillusions pour l’école.
Le bureau national de l’APHG.
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