Texte de la motion : A la suite des informations parues dans Le Monde daté du 14 novembre 2017, le comité de rédaction de Vingtième Siècle. Revue d’histoire s’inquiète de l’utilisation de la notion « d’archives essentielles » proposée par les Archives Nationales. Dans un contexte de pénurie d’espace et de personnel, cette politique a d’ores et déjà conduit à amplifier les destructions d’archives, y compris sur des fonds déjà constitués. L’avenir de la recherche historique nécessite que ces choix soient discutés de façon démocratique et transparente.
Texte ajouté le 26/11/2017. Motion de l’association Mnémosyne
Depuis la loi du 25 juin 1794 (7 Messidor an II), sont fixés les principes fondamentaux de la relation des citoyens aux actions de l’Etat : transparence et accessibilité. Dans tout le pays, sont conservés des documents produits par les administrations publiques et destinés à garder la mémoire des actions des services de l’Etat. Des décrets de naturalisation aux opérations militaires, des dossiers de pupille de la nation aux décisions d’engager un nouveau chantier ferroviaire : les actions de l’Etat nous concernent tous, citoyens comme historiens.
La crise que traversent les archives de France met en péril la conservation et l’accessibilité de ces documents. Alors même que certaines archives sensibles peinent à être récoltées, les services d’archives reçoivent un nombre croissant de documents sans avoir bien souvent le personnel pour faire face. La numérisation, envisagée comme une alternative au stockage, demande énormément de temps. Aux Archives Nationales même, la situation est aggravée du fait de la fermeture en urgence du Centre des Archives Contemporaines de Fontainebleau et de la nécessité de transférer tous ses documents au centre de Pierrefitte. Ce bâtiment, sorti de terre il y a peu, est d’ores et déjà sous-dimensionné pour faire face à cet afflux.
Selon un document de travail révélé par Le Monde du 14 novembre dernier, la réponse du ministère de la Culture est d’insister sur la numérisation des fonds et de privilégier les « archives essentielles ». Ces deux objectifs semblent motivés par un souci de gestion des stocks : l’essentiel étant de faire de la place aux versements à venir, que ce soit venant du Centre des Archives Contemporaines ou des administrations actuelles.
Nous sommes bien conscients que les Archives ne peuvent tout conserver et que les tris sont nécessaires. Néanmoins, les décisions ne peuvent se fonder sur de seuls objectifs de réduction du métrage linéaire et se prendre sous la responsabilité des seuls archivistes.
Une politique de gestion en flux tendu des archives n’est pas possible. Tous les acteurs du domaine le savent.
C’est pourquoi nous demandons que l’Etat s’engage à construire très rapidement un bâtiment supplémentaire à Pierrefitte permettant d’envisager sereinement l’arrivée de nouveaux fonds. La Cour des Comptes et la commission des Finances du Sénat, gardiens sourcilleux des finances du pays, ont affirmé l’urgence de lancer ces travaux au printemps 2017.
Nous demandons que du personnel suffisamment nombreux et suffisamment formé soit recruté pour mener ces actions pérennes de collecte, conservation, inventaire, communication et valorisation des documents.
Nous demandons que l’on prenne le temps de la concertation entre historiens et archivistes avant que des choix définitifs ne soient faits qui engagent la recherche future et, plus largement, le rapport de notre pays à son passé.
Le débat sur la politique de numérisation des archives comme sur les critères de définition des documents qu’il serait souhaitable de voir devenir archives est un débat qui nous engage tous. Il doit être mené de manière transparente et publique.
Lettre adressée au Ministère de la Culture. © Mnémosyne, l’association pour le développement de l’histoire des femmes et du genre - Tous droits réservés.
© Le Secrétariat général de l’APHG - Paris, le 23 novembre 2017. Tous droits réservés.
Illustration : Archives nationales (Paris). Grands dépôts, salle de l’Armoire de fer. DR. Source