Le club Olympique Choletais a vu le jour le 24 mai 1913. Son but est « d’encourager les exercices physiques et d’entretenir entre ses membres des relations d’amitié et de camaraderie ». La presse locale, L’intérêt public et Le réveil Choletais, saluent cette naissance au moment où la « Patrie a plus que jamais besoin de soldats forts et constitués. » C’est d’abord sur les terrains de football que les « rouges et blancs » vont montrer leur valeur en devenant, dès la première saison 1913-1914, Champion d’Atlantique.
Identifier les footballeurs, une première étape.
Avec Nathalie Lucas, responsable du service éducatif des Archives Municipales de Cholet, nous avons recherché l’identité de ces footballeurs en consultant la presse locale. La difficulté résidait d’abord dans le fait que celle-ci ne donnait que les noms de famille avec parfois des orthographes différentes. (Subileau au lieu de Sibileau, Bryen pour Brien, Brin pour Brun etc...) Heureusement, un article de 1962 de l’Intérêt Public donnait quelques précisions notamment sur les métiers et a permis d’affiner les recherches. Chaque classe a été accueillie au moins une fois aux Archives Municipales de Cholet. Un travail sur des documents originaux (actes d’état civil, recensement, fiches militaires, articles de presse...) qui s’est poursuivi dans la salle informatique du collège par la consultation des registres matricules en ligne et à la maison par la rédaction des portraits. Au total, quinze footballeurs (entraineur compris) ont fait l’objet d’études. Quinze portraits, autant de parcours individuels pendant la Grande Guerre, qui ont permis d’aborder de multiples aspects du conflit : la mort, les blessures, les disparus, les maladies, les grandes batailles, l’aviation, les différents fronts...
La nouvelle équipe du Club Olympique Choletais compte dans ses rangs plusieurs footballeurs qui ont quitté l’équipe de football de la Jeune France, celle des Enfants de Cholet mais aussi des soldats du 77ème régiment d’infanterie de Cholet. Or, plusieurs d’entre eux étaient originaires d’autres départements, il a donc fallu étendre les recherches à d’autres Archives comme celles de Dordogne et du Morbihan.
Le parcours des footballeurs pendant la Première Guerre mondiale.
Des sportifs jeunes, bien entraînés et qui sont bien sûr tous mobilisés. A l’exception d’un seul, François-Joseph Lepont, sergent au 77ème RI, qui fait partie de la première équipe en septembre 1913. Il meurt accidentellement le 12 juillet 1914 en se noyant dans l’étang de la Godinière à Cholet. Il avait 21 ans. Les premiers combats sont tout de suite très meurtriers et les footballeurs ne sont pas épargnés. C’est le cas de Louis Fabre, mort le 20 août 1914 à Nomeny-Lixières en Meurthe et Moselle. Auguste Sibileau meurt le 27 septembre à Sept-Saulx dans la Marne. Lorsque un match de football se tient à Cholet le 8 novembre 1914 au profit des blessés hospitalisés dans la ville, le journaliste de l’Intérêt Public ne peut que constater que le Club Olympique Choletais « est sérieusement handicapé par les événements actuels, plusieurs de ses joueurs étant déjà tombés au champ d’honneur et beaucoup d’autres sur la ligne de feu ».
Les élèves ont constaté que les footballeurs avaient combattu sur les principaux lieux de bataille de la Première Guerre mondiale (La Marne, La Belgique, Verdun, La Somme, Le Chemin des Dames, la Grèce ...). Des lieux qu’ils ont situés dans l’espace et dans le temps.
Aucun des footballeurs de cette première équipe de Cholet ne sort indemne de ce conflit. Cinq d’entre eux meurent (Louis Fabre, Auguste Sibileau, Marcel Brien, Pierre Blouen et Charles Vigan) et tous sont blessés au moins une fois. Victor Simon, gardien de but, a contracté la tuberculose pendant la guerre et meurt en 1923. Un article de 1919 souligne la présence à un match de football de Camille Brégeon et de Raoul Brun mais probablement diminués par leurs blessures, on ne les retrouve plus par la suite sur les feuilles de matchs. Les élèves ont pris conscience avant d’élargir leurs recherches à la pratique du football à Cholet et sur le front, qu’avant guerre, le football n’était pas comme aujourd’hui un sport de masse et un sport populaire.
Le football pendant la Première Guerre mondiale.
L’étude d’articles de presse a permis aux élèves de constater que pendant le conflit, des matchs de football se jouent toujours à Cholet. Les compétitions reprennent. Le plus souvent, ces matchs sont au profit d’une œuvre de bienfaisance et la recette est reversée au profit des blessés ou des réfugiés. Le 30 janvier 1916, une partie de la recette est destinée « au ballon du soldat ». Une œuvre qui finance l’achat de ballons de football pour les envoyer aux soldats car les prix ont flambé. Une hausse de 700 % calculée en cours de Mathématiques par les élèves. L’Intérêt Public du 9 avril 1916 relate ainsi un match de football qui s’est déroulé au front le 24 mars 1916. Un match qui opposait le 77ème RI de Cholet au 135ème RI d’Angers avec la présence de quatre footballeurs du Club Olympique Choletais. L’article indique la tenue de prochains matchs mais les élèves n’en ont pas trouvé trace dans la presse ou les journaux de marche du 77ème RI.
Le bilan des recherches et les prolongements.
Les élèves ne se sont pas contentés de rédiger le portrait des footballeurs. Ils ont réfléchi sur la sociologie de ces derniers : aucun d’entre eux n’était un paysan ou un tisserand dans une région rurale et d’industrie textile. Les footballeurs appartenaient plutôt à une petite bourgeoisie avec un niveau d’éducation plutôt élevé. Huit d’entre eux étaient d’anciens élèves du collège communal de Cholet. Auguste Coutant devient instituteur, Raoul Brun, pharmacien, Camille Quesson architecte, Marcel Faligand inspecteur des Impôts, Adolphe Lespert directeur de l’école de photographie aérienne de Versailles.
Ce travail a reçu en janvier 2015 le label national de la mission du Centenaire après avoir précédemment reçu le label académique. Le livre numérique [3] résumant le parcours de cette équipe de footballeurs a reçu à Strasbourg en juin 2015 le premier prix du concours d’histoire Eustory. Par ailleurs, les recherches ont abouti à des partenariats fructueux. Notamment avec le lycée Clemenceau de Nantes où était scolarisé Adolphe Lespert que l’on a pu identifier grâce au travail de Jean-Louis Liters. [4]
Depuis 1929, le stade de Cholet porte le nom de Pierre Blouen capitaine et fondateur du Club Olympique Choletais mais rien ne permettait de savoir qui il était. Un oubli réparé depuis le 29 avril 2016, date de l’inauguration d’une plaque à sa mémoire suite à une demande formulée par les élèves auprès de la mairie de Cholet.
Le 2 mai 2016, un match de football a eu lieu à Péronne entre des élèves et des professionnels du tourisme à la mémoire de Pierre Blouen, mort le 12 août 1916 lors de la bataille de la Somme. [5] Grâce au travail des élèves et cent après sa mort, la mémoire de Pierre Blouen a été rappelée à la fois sur son lieu de naissance et sur son lieu de décès. Sur des lieux qu’il affectionnait tout particulièrement, les terrains de football.
© Sylvie Bossy-Guérin, Professeure d’Histoire-Géographie au collège Trémolières de Cholet.
© Les services de la Rédaction d’Historiens & Géographes, 09/08/2016. Tous droits réservés.