Depuis 2000, la Grande Guerre en bande dessinée connaît une renaissance. Au sein d’une production désormais abondante, rares sont toutefois les auteurs qui se singularisent. On se souvient de l’album de Nicolas Juncker (Le Front, 2003) d’une puissante originalité. Il faudra désormais compter avec ces trois albums illustrés par Jérôme Agostini. Celui-ci a puisé son inspiration dans les carnets de guerre de son bisaïeul, Jacques Bertran, mobilisé en août 1914. Son parent a connu toute la guerre, de l’été 1914 à novembre 1918, sur différents théâtres d’opération et à des postes variés. C’est donc l’ensemble du conflit sur le font occidental qui est abordé.
La Grande Guerre en trois tomes
Un des intérêts de ces trois albums est de mettre en images les étapes de la Grande Guerre. Le premier album (août-septembre 1914) évoque ainsi ce jour sinistre du 22 août, où 22 000 soldats français ont été perdus. La propre unité de l’auteur, le 85ième Régiment d’Infanterie, a déploré 50 % de pertes. Les dessins permettent aussi d’appréhender la totalisation d’un conflit qui n’épargne pas les populations civiles, même si ce processus réactive des procédés anciens comme le pillage. Le 22 septembre, le régiment de Bertran s’enterre. La dernière image est encore dominée par une palette chromatique pastel. Celle qui ouvre le deuxième tome est beaucoup plus sombre, le mythe d’une guerre courte est bel et bien estompé.
Cette partie, intitulée Tranchées, renvoie à la guerre de position. Les lecteurs y retrouveront les éléments bien connus de la vie du front. Ils permettront à nos collègues de trouver des images percutantes, comme celle sur les rats, qui nourriront des activités sur l’expérience combattante et l’éducation aux médias et à l’information. C’est aussi un des intérêts de cette publication. Elle offre matière à travailler sur le langage de l’image. Prenons l’exemple de la blessure de l’auteur, le 7 décembre 1914. Elle est traitée de façon très cinématographique, avec une case qui emprunte à la grammaire du septième art le procédé de la caméra subjective. Le dessinateur a d’ailleurs, au long des trois albums, recours à différentes techniques, soit des dessins en page entière, soit des cases illustrées.
Ces deux techniques sont associées ponctuellement à des explications sobres et précises et à des fac-similés de documents extraits des souvenirs de guerre de son bisaïeul. On trouvera par exemple la remise de la Croix de guerre avec palme signée par le général Pétain. Le troisième tome, appelé Offensives (janvier-novembre 1918), renvoie notamment au retour de la guerre de mouvement en juin. Après avoir évoqué les durs combats sur l’Aisne, Jacques Bertran termine son journal à la date du 8 novembre, quand il apprend que « la Bochie demande à parlementer ». La sortie de guerre se laisse entrevoir.
Souvenirs de guerre intéressera aussi bien les amateurs de bande dessinée que les passionnés de la Grande Guerre comme tous ceux qui souhaitent aborder autrement ce conflit avec leurs élèves.
Pour aller plus loin
© Yohann Chanoir pour Historiens & Géographes - Tous droits réservés. 19/07/2018.