EXPOSITION : ANTOINE CARON (1521-1599), LE THÉÂTRE DE L’HISTOIRE Musée national de la Renaissance, Écouen, jusqu’au 3 juillet 2023

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L’exposition autour de l’œuvre d’Antoine Caron, conçue par Matteo Gianeselli, conservateur en charge des peintures et des arts graphiques au Musée national de la Renaissance d’Écouen et commissaire de l’exposition, s’intègre à un cycle d’expositions organisées à Paris (Musée de l’Armée) et dans ses environs (Chantilly, Écouen) autour du temps des guerres de religion. Elle ne rend pas seulement hommage à un artiste souvent méconnu, et dont l’influence fut pourtant manifeste, pendant et après sa longue carrière ; elle apporte également une contribution très stimulante à l’histoire des usages de l’image au cours d’une période aussi troublée qu’elle fut créative.

On l’aura sans doute compris : cette exposition constitue un événement. Et d’abord par le corpus d’œuvres qu’elle réunit, grâce, notamment, à des prêts de prestige du Musée du Louvre, de la Galerie des Offices ou du J. Paul Getty Museum pour ne citer que quelques-uns des musées qui ont accepté d’y contribuer. Si l’un des clous du parcours est la présentation, dans la Galerie de Psyché, de l’ensemble des magnifiques tapisseries constituant la Tenture des Valois, réunies pour la première fois depuis la fin du XVIe siècle, il ne faut pas oublier que le visiteur peut également admirer un tableau qui n’avait pas été exposé en France depuis 50 ans le « Saint Denys l’Aréopagite convertissant les philosophes païens » d’Antoine Caron qui a été choisi pour l’affiche de l’exposition, venu de Los Angeles.

Ainsi qu’une œuvre tardive de Caron, jamais exposée au grand public « La Résurrection du fils de la veuve de Naïm ». Cette manifestation a été, en effet, conçue par un historien de l’art qui apporte ici une contribution importante à la redéfinition du « corpus caronien » puisqu’elle propose une attribution à Antoine Caron des « Funérailles de l’Amour » du Louvre considérées, jusque-là, comme une œuvre d’Henri Lerambert qui fut l’un des suiveurs de Caron.

Le parcours de l’exposition permet, tout d’abord, de cerner aussi précisément que possible les principales étapes de la formation et de la carrière d’Antoine Caron. Il met en lumière, dans la première comme dans la dernière salle, l’environnement artistique dans lequel l’artiste fut formé, sur de grands chantiers comme celui de Fontainebleau ou celui d’Anet, ainsi que l’influence décisive sur sa « manière » de Niccolò dell’Abate.

L’accent est également mis sur l’influence créative exercée par Caron sur ses contemporains, par ses tableaux comme par ses dessins qui fournissent autant de modèles diffusés et déclinés sous différentes formes : un seul exemple, pour ne citer que celui-ci, est présenté dès la deuxième salle de l’exposition avec la mise en regard d’une sublime « Résurrection du Christ » d’Antoine Caron v. 1584, prêt du Musée départemental de l’Oise, Beauvais.

et d’un dessin d’Henri Lerambert, très fidèle à son modèle et réalisé très peu de temps après le tableau qu’il reproduit (prêt de la BnF, v. 1584-1585).

Antoine Caron, comme le montre l’exposition de manière très convaincante, fut d’abord un grand dessinateur  : la remarquable « Flagellation » prêtée par le Musée du Louvre (fin des années 1580/début des années 1590) et exposée en fin de parcours en est sans doute la plus éclatante des manifestations.

La splendeur des œuvres exposées ne doit pas faire oublier l’un des grands atouts de cette exposition : sa scénographie. En connaisseur avisé du maniérisme, dont Antoine Caron fut l’un des plus brillants représentants en France, Matteo Gianeselli sait que celui-ci est un art de la mise en scène. Outre l’éblouissement qui attend le visiteur dans la Galerie de Psyché, il faut signaler la grande inventivité de la dernière salle du parcours, faisant dialoguer les œuvres entre elles et les tableaux avec les dessins du maître.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur une manifestation qui est, à notre avis, l’un des événements artistiques de ce printemps. Pour s’en convaincre, il faut bien entendu s’y rendre : vous pouvez le faire jusqu’au 3 juillet.

© Philippe Prudent, 23/05/2023. Tous droits réservés.