« Enquêtes vagabondes » et « Les Daimos » (Guimet) Compte rendu culturel de la Rédaction

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Par Vincent Multrier et la participation de Violeta Martinez-Auriol. [1]

Le Musée National des Arts Asiatiques GUIMET nous gâte avec deux magnifiques expositions.

La première « Enquêtes vagabondes » (1) retrace le tour du monde qu’Émile GUIMET réalisa en 1876-77. Peu intéressé par la gestion de l’entreprise de chimie créée par son père dont le monopole de la fabrication industrielle du bleu indigo lui procure de confortables revenus, il préfère voyager pour satisfaire sa passion de collectionneur. Il se fait missionner par le Ministère de l’Instruction Publique pour étudier les religions asiatiques en les comparant à celles de l’Égypte anciennes qui l’ont émerveillé en 1865-66 ! Passant par l’Exposition Universelle de Philadelphie (1876), il y retrouve son ami Félix RÉGAMEY, peintre et caricaturiste qui va illustrer ce voyage par une série de panneaux représentant des scènes locales que le Musée a restaurés pour cette exposition.

C’est surtout l’occasion pour Guimet d’acheter ou de faire réaliser des copies de pièces magnifiques dont l’extraordinaire mandala sculpté du Toji (temple bouddhique fondé au IX° siècle) qui comprend une vingtaine de statues que le fidèle suit dans sa quête religieuse. Autant ils ont été très bien reçus et émerveillés par le Japon de l’ère Meiji (qui s’ouvrait à peine aux Occidentaux), autant ils ont été déçus par la Chine, de cette époque, en pleine décomposition. Leur voyage s’est poursuivi à Ceylan et en Inde, « mère de touts les religions », avant de revenir par le canal de Suez qui venait d’ouvrir (1869).

© Musée Guimet DR

Émile Guimet s’occupe alors de mettre en valeur pour l’exposition universelle de Paris de 1878 les plus belles des 600 sculptures et 300 peintures qu’il a rapportées. Elles permettront d’ouvrir son Musée à Lyon en 1879, avant de les donner à l’État en 1884 et d’organiser leur transfert en 1889 dans les locaux actuels construits à cet effet. Cette exposition a le grand mérite d’illustrer à la fois ce tour du monde exceptionnel par un grand mécène et de nous expliquer la création de ce musée qui a gardé tout son dynamisme comme le montre l’exposition consacrée aux daimos.

Les « daimos, seigneurs de la guerre au Japon » tel est le titre de la seconde exposition (2) qui regroupe plusieurs dizaines d’armures de ces grands feudataires du Japon de la période Edo (1603-1868). Durant cette période où le Shogun assure la paix, les feudataires gardent un rôle politique et social considérable comme le montre la munificence de leur armure et de leur casque qui leur sert d’abord à montrer leur puissance. Le rôle de protection existe toujours comme le montrent les lames de fer liées les unes aux autres par du cuir ou par des tresses de soie. Parfois, le fer est remplacé par du cuir laqué, tout aussi résistant mais beaucoup plus léger. Mais la variété des matériaux montre toute l’importance de la décoration. Les casques, le plus souvent associés à un masque, servent d’abord à être remarqués de loin et à impressionner, d’où l’emploi de décorations et de totems particulièrement soignés. En fait les armes à feu, introduites par les Portugais, existent depuis 1543, mais elles ne sont guère utilisées, étant donnée la paix imposée par le Shogun ; c’est donc le sabre qui reste la seule arme, socialement reconnue et utilisée !

© Musée Guimet DR

Une des originalités de cette exposition est son éclatement en trois lieux très proches.

Le musée d’origine, place d’Iéna, abrite onze armures remarquablement mises en scène sous la coupole. L’Hôtel d’Eidelbach, situé à 50 m, héberge des accessoires, casques, sabres et arcs aristocratiques ainsi qu’un splendide paravent de huit panneaux peints, qui raconte la bataille de Nagashino en 1575 : la victoire de Nabunaga sur son rival Takeda va lui permettre d’unifier progressivement l’archipel. Enfin, dans le cadre de ses installations, confiées à neuf artistes sur le thème de « la Discorde », le Palais de Tokyo expose une dizaine d’armures de daimyo, avec un système de billet unique pour les deux musées.

Cet éclatement nuit un peu à l’unité de cette superbe exposition consacrée à un thème que nous connaissons mal, mais nous souhaitons que ce système de coopération renforcée entre les deux musées se poursuivent !

1) Exposition du 6 décembre 2017 au 12 mars 2018
2) Exposition du 15 février au 13 mai 2018

Site internet

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Notes

[1Membres du Bureau de la Régionale d’Île-de-France de l’APHG.