Virtuose de la Belle Epoque
Dès ses débuts, Durosoir cultive une certaine singularité. Exclu du Conservatoire pour insolence, il perfectionne son jeu auprès de professeurs privés. Il rejoint les Concerts Colonne, un des grands ensembles de l’époque, en tant que premier violon, ce qui assoit sa notoriété. Il entame ensuite une carrière de concertiste solo qui le mène aux quatre coins de l’Europe. C’est une célébrité du monde classique, son nom s’étale sur des affiches de concert, des journaux américains écrivent sur lui, il est reconnu comme un des grands virtuoses de son temps.
Violoniste… et brancardier
Lorsque la guerre éclate, Durosoir est mobilisé au sein du 129ème régiment d’infanterie avant d’être identifié par son supérieur comme musicien et placé dans une unité de brancardiers. Ce statut plus clément dû à sa condition d’artiste lui fera écrire, dans une lettre à sa mère du 3 juin 1918, « mon violon m’a sauvé la vie ». Sa nouvelle affectation lui permet de pratique un peu plus la musique, mais toujours individuellement, grâce au violon, à la sourdine et aux partitions que sa mère lui a envoyés.
Les musiciens du général
A l’automne 1917, le supérieur de Durosoir lui demande de former un ensemble de musique de chambre afin de divertir les officiers. Autour du trio formé avec l’altiste André Caplet (chef d’orchestre de l’Opéra de Boston) et le violoncelliste Maurice Maréchal (premier prix du Conservatoire), des musiciens de haut niveau gravitent, formant un ensemble à géométrie variable. Le groupe conçoit des programmes qui, loin des idéologies de rejet qui secouent l’arrière, font la part belle à l’école allemande. Wagner, Bach, Haydn côtoient Fauré et Franck lors de concerts visant l’excellence artistique malgré les difficultés matérielles.
L’ensemble est repéré par le général Mangin, chef de la 5ème division et lui-même mélomane. Il leur fait dès lors bénéficier de conditions plus favorables, les affectant à des postes moins exposés : cycliste, colombophile, opérateur TSF… C’est ainsi que Durosoir traverse le reste du conflit, entre missions militaires et organisation de concerts.
Compositeur secret
Démobilisé en 1919, Durosoir envisage de reprendre sa carrière de concertiste. Une opportunité se dessine pour rejoindre un orchestre à Boston mais la mort de sa mère en décide autrement. Il se retire dans les Landes où il va passer le reste de sa vie. Il y compose une série d’œuvres singulières, fruit de ses discussions avec Caplet sur le front. Il continue d’ailleurs de correspondre avec lui, ainsi qu’avec Maréchal, qui sont les seuls ou presque à savoir que leur ancien camarade est passé à la composition. Comme si l’expérience commune du front avait tissé des liens profonds que ni le temps ni l’éloignement ne peuvent défaire.
Ce n’est que récemment que l’histoire de ce musicien a émergé, suite au travail effectué par sa famille. Elle donne à voir le destin d’un homme qui, au plus profond du conflit, n’a pas renoncé à ses idéaux esthétiques et à continuer à porter l’idée que l’art peut surmonter l’horreur.
© Anaïs Raynaud pour le Musée de la Grande Guerre Pays de Meaux.
La Rédaction remercie très chaleureusement Madame Elena Le Gall, Responsable des Publics au Musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux pour avoir mis à la disposition des lecteurs d’Historiens & Géographes et de l’APHG.fr cet article avec les visuels qui l’accompagnent, issus du fonds Durosoir (tous droits réservés).
Voir en ligne l’interview de Luc Durosoir, sur la web TV du Musée de la Grande Guerre : ici
Musée de la Grande Guerre du pays de Meaux, rue Lazaze Ponticelli - 77100 Meaux
Exposition "Mon violon m’a sauvé la vie Destins de musiciens dans la Grande Guerre" jusqu’au 31 décembre 2015.
Horaires :
- De 9 h 30 à 18 h
- Fermé le mardi. Fermeture annuelle du lundi 4 au vendredi 22 janvier 2016.
- Pour préparer sa visite, consulter le site : www.museedelagrandeguerre.eu/preparer-sa-visite
- Tél : 03.60.32.14.18
Voir l’annonce de l’exposition publiée sur le site de l’APHG le 27 juin 2015 : http://www.aphg.fr/Mon-violon-m-a-sauve-la-vie-1914-1918
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