Comment présenter Simone Veil, alors qu’elle fait partie de ces personnages de la vie politique française qu’on ne présente plus ?
Peut-on faire son portrait en quelques dates ?
Certes, on pourrait rappeler qu’elle fut déportée avec sa mère et sa sœur à Birkenau en avril 1944, qu’elle perdit son père et son frère (disparus en Lituanie), sa mère, morte du typhus au camp de Bergen-Belsen, puis sa sœur Milou décédée au début des années cinquante dans un accident de voiture. Fille et sœur brisée, elle dut, comme les autres rescapés des camps d’extermination, se reconstruire pour continuer et réapprendre à vivre, devenir femme, épouse et mère. Elle refusa envers et contre tout la perspective de rester une femme au foyer. Sa carrière débuta au Ministère de la Justice. Elle est nommée ministre de la santé dans le gouvernement de Jacques Chirac et a fait voter le 19 novembre 1974 la loi sur l’lGV. Convaincue de la nécessité de se réconcilier avec les Allemands pour favoriser la paix, en 1979 elle conduit la liste UDF pour les premières élections au suffrage universel des députés au Parlement Européen. Après en avoir été Présidente, elle y siège comme députée jusqu’en 1993. Edouard Balladur, Premier Ministre a fait appel à elle comme Ministre d’Etat, Ministre de la Santé, des Affaires Sociales et de la Ville.
A-t-elle réellement souhaité une carrière politique ? Nous n’en avons pas parlé, ce n’était pas le sujet de notre discussion.
Mais Simone Veil a toujours été à mes yeux triplement symbolique : par son rôle politique, dans un milieu (y compris à droite) qui ne l’a pas souvent ménagée, par sa contribution essentielle aux combats des femmes, et enfin par cette lutte incessante contre l’oubli. Elle est aussi synonyme d’une certaine droiture et d’une certaine morale, d’un refus des injustices, valeurs inculquées par cette mère tendrement aimée et trop tôt disparue. Si depuis soixante ans, elle lutte contre l’oubli, c’est aussi parce qu’oublier l’extermination serait une trahison envers elle, qui mourait symboliquement une seconde fois.
Elle est aujourd’hui membre du Conseil Constitutionnel et Présidente de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah ainsi que du jury du Prix Annie et Charles Corrin qui délivre chaque année un prix à un professeur et leurs élèves pour leurs travaux pédagogiques consacrés à la transmission de l’histoire de la Shoah.
Elle a accepté de me recevoir dans ses bureaux. Ce jour-là, elle arbore un seyant et strict tailleur pourpre dont la couleur fait ressortir le vert de ses yeux. Elle a cet air doux, paisible et rassurant qui masque une farouche détermination ainsi que les convictions très tranchées qui sont les siennes. J’ai le souvenir d’elle répondant à un député de l’opposition, animée d’une colère froide à l’Assemblée Nationale un jour des questions au gouvernement ! Je la revois, fâchée, lors d’un déjeuner, répondant à quelqu’un dont le discours lui avait déplu. La sérénité n’est qu’apparente, et cache des indignations toujours prêtes à exploser. Mais ceux qui connaissent ses colères connaissent aussi sa gentillesse et sa générosité.
Lire l’entretien complet, première partie ci-dessous (PDF).
© Christine Guimonnet pour Historiens & Géographes. Tous droits réservés. 29/06/2018.