L’écriture des revenants : lectures de témoignages de la déportation politique Compte-rendu de la rédaction / Histoire contemporaine

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Par Nicolas Charles. [1]

KUON Peter, L’écriture des revenants : lectures de témoignages de la déportation politique, éditions Kimé, Paris, 2015.

Voici un ouvrage qui intéressera bien des collègues, notamment ceux qui encadrent le concours de la résistance et de la déportation, pour lequel notre association, avec notamment Aleth Briat, œuvre de longue date.

Dans celui-ci, Peter Kuon se donne pour but travailler sur les témoignages des rescapés, uniquement choisis parmi des déportés politiques. La plupart d’entre eux sont issus du camp de Mauthausen en Autriche. Pour l’auteur, il s’agit de donner une grille de lecture simplifiée des écrits des rescapés pouvant être mise entre les mains des personnes non spécialistes de la question. Pour ce faire, il a regroupé les différents témoignages en trois thèmes : les méthodes pour travailler sur ceux-ci, les différents types d’expériences qui émergent des témoignages et enfin les raisons qui ont poussé les survivants à écrire sur leur déportation. Les témoignages, regroupés par auteur, sont classés dans des tableaux en annexe, ce qui facilite grandement leur lecture. Une bibliographie relativement complète est aussi disponible en fin d’ouvrage.

Nous sommes donc ici face à un livre qui est une excellente base de travail pour les professeurs d’histoire-géographie du secondaire. Au premier abord, l’ouvrage peut apparaître ardu pour ceux qui ne connaissent pas grand chose aux questions de déportation durant la Seconde Guerre mondiale : il conviendra de s’y familiariser avec un autre ouvrage puisque ce présent opus n’a pas vocation à être un manuel, mais plutôt un travail scientifique sur les témoignages. Professeur de Philologie à Salzbourg en Autriche, Peter Kuon se livre à une analyse sémantique minutieuse. Les mots sont étudiés, disséqués, interprétés pour leur redonner du sens, surtout dans la troisième partie de l’ouvrage intitulée « écritures » qui est sans doute la plus difficile à aborder. Au contraire, la première partie, nommée « Méthodes », explique bien le travail de l’auteur sur les témoignages : cela permet aussi de se familiariser avec cette technique d’études des sources pas toujours facile pour ceux qui ne sont pas des contemporanéistes. Cela permet aussi pour les enseignants d’histoire de créer une grille d’analyse du témoignage simplifiée qui peut être réutilisée par les élèves dans le cadre des EPI en collège ou des TPE en lycée s’ils doivent interviewer des personnes et analyser leur témoignage.

La partie centrale, intitulée « expériences », est clairement la plus intéressante pour nos collègues : groupés en sous-thèmes, les témoignages permettent d’étudier les différents lieux d’un camp de concentration, la vie quotidienne des déportés avec ses moments difficiles mais aussi une certaine solidarité entre détenus. La fin de cette partie, qui traite de la libération du camp, est sans doute la plus chargée d’émotion. Les grands thèmes actuels de la recherche historique sur les camps de concentration, à l’image de la résilience des détenus ou de la déshumanisation orchestrée par les nazis sont abordés par des exemples précis, ce qui permet leur meilleure compréhension.

L’écriture des revenants est donc un excellent livre, qui permettra, par son souci pédagogique et par les exemples donnés, d’étudier en profondeur le système concentrationnaire nazi. Un ouvrage qui s’impose donc dans nos cabinets de recherches, nos CDI et dans nos bibliothèques.

Voir en ligne sur le site de l’éditeur

© Nicolas CHARLES pour la revue Historiens & Géographes - Tous droits réservés. 04/03/2017.

Notes

[1Professeur agrégé d’histoire-géographie, doctorant à l’Université de Paris I.