Face à l’Occupation, le non-consentement fut une attitude mentale première. Une propension instinctive au refus. Pas un programme d’action. Les actions, elles viendraient, peut-être, si l’occasion s’en présentait. Cette réaction, qui l’éprouvait ? La plus grande part d’une population prise au piège.
Le non-consentement a pu se transformer en résistance active, dès l’été 1940 pour une poignée, mais pour l’immense majorité ce ne fut d’abord qu’un repli sur soi, une volonté de maintenir au mieux son mode de vie, son identité. Un exemple : danser. Les bals, la plus populaire des distractions, étaient interdits, on dansa quand même, toute la guerre, dans des arrière-salles de café ou des granges isolées. A la campagne, ruser avec les prélèvements sur les productions agricoles - « pour nourrir les Allemands ! » - fut une autre manifestation claire du non-consentement.
Le développement de la Résistance exigeait des soutiens multiples et puisa dans ce terreau. Le silence, d’abord et toujours, l’aide à l’approvisionnement, et, hautement stratégiques, la réception et le recel des armes parachutées. De qui venaient ces soutiens ? De tous ceux qui n’avaient pas franchi le pas, mais n’en pensaient pas moins. Tous ces actes, rarement spectaculaires, étaient indispensables, et pourtant recouverts par un silence de la mémoire collective.
Un historien majeur de la période, Pierre Laborie, n’a jamais négligé cette participation discrète et vitale à la Résistance, celle « des autres », ni Résistants, ni Vichyssois [1], ni forcément attentistes. Cette formule éloquente, qui révèle ce qui se donne si mal à voir, il l’a argumentée, théorisée, dans « La notion de Résistance à l’épreuve des faits » [2] et elle apparaît en majesté dans Le Chagrin et le venin [3] : dans la noirceur ambiante, il y eut toujours « des rais de lumière », ceux du non-consentement.
Cette part de la Résistance a bien été prise en compte par d’autres historiens, particulièrement : J. Sémelin, H.R. Kedward, J-M Guillon, F.Marcot, L.Douzou, D. Peschanski. Gageons que, dorénavant, son identification à un concept bien établi y soit un encouragement.
© Anne Verdet pour Historiens & Géographes.
Pour poursuivre la réflexion :
- SÉMELIN Jacques, Sans armes face à Hitler : la Résistance civile en Europe, 1939-1943, Paris, Payot, 1989.
- KEDWARD Howard Roderick, À la recherche du maquis... La Résistance dans la France du Sud, 1942-1944 [1993], Paris, Éditions du Cerf, coll. « Passages », 1999.
- GUILLON Jean-Marie, « La Résistance au village », p. 233-243, in J. SAINCLIVIER et C. BOUGEARD (dir.), La Résistance et les Français. Enjeux stratégiques et environnement social, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1995.
- MARCOT François, « Combien étaient-ils ? », Dictionnaire historique de la Résistance, MARCOT François (dir.), Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2006.
- MARCOT François, « Résistance et autres comportements des Français sous l’Occupation », in François MARCOT et Didier MUSIEDLAK (dir.), Les Résistances, miroirs des régimes d’oppression, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2006, p. 47-59.
- MARCOT François « Comment écrire l’histoire de la Résistance ? », Le Débat, n° 177, novembre-décembre 2013, p. 173-185.
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