Voici une véritable somme, qui sera utile à toutes et à tous, y compris un ancien président de la République, puisque “nos ancêtres les Gaulois” relevèrent un moment de l’appellation éponyme avant que César n’y mît bon ordre.
L’ouvrage revêt la forme d’un dictionnaire, précédé d’une longue introduction, à l’évidence nécessaire, tant le terme est sujet à interprétations pas toujours scientifiques et son sens pour le moins divers, depuis son premier usage qui nous vient des Grecs pour désigner ceux qui ne parlent pas leur langue et ne partagent pas leur vision de la civilisation. On se rappelle que « le Grec vaincu a vaincu son barbare vainqueur ». Or ce dernier n’est autre que Rome, d’où notre civilisation est également issue. Cette introduction se déroule en cinq chapitres : les conceptions grecques ; Rome et les barbares : des origines (753 av. J.-C.) à l’apogée de l’Empire (IIe siècle apr. J.-C.) ; l’Antiquité tardive, discours et réalité des “Grandes Invasions” ; le Moyen Âge ou l’éloignement de la barbarie (sic !) ; représentations modernes et contemporaines : barbares redécouverts, barbarie réinventée. La seule liste des entrées, au nombre de 522, occupe 16 pages, chacune accompagnée du nom de son auteur.
L’équipe que dirige Bruno Dumézil, entouré de quatre autres membres du comité scientifique qui sont tous de “jeunes” universitaires, est diverse ; si les auteurs appartenant à la même génération sont les plus nombreux, d’autres sont nettement plus chevronnés, au total 135 personnes, toutes appartenant à une institution universitaire ou à un musée de renom. On voit à la fois l’ampleur de l’ouvrage et le louable souci de faire appel à des spécialistes. Les entrées sont évidemment de longueur inégale. L’ouvrage vise à la scientificité et chaque article est suivi d’une bibliographie, forcément courte, mais qui confirme cet aspect.
Naturellement, les périodes antique et médiévale sont privilégiées, s’agissant des événements, des peuples, des lieux, des personnages et des conceptions. Mais la question barbare dépasse largement 1492 et le cadre euro-méditerranéen, car le Vieux Monde n’occupait qu’une petite partie de la planète et de ses peuples, qui offrirent des barbares de rechange. La problématique est à juste titre universelle, comme le montre le long article consacré à la Chine et celui consacré à la langue de ce pays. À cet égard, l’article consacré au Japon apparaît un peu court. L’ouvrage pousse jusqu’à l’usage que font des barbares antiques et médiévaux la bande dessinée (Astérix), la littérature et le cinéma (Conan le Barbare), la même et les séries télévisées et jeux vidéo dérivés (Game of Thrones). Nul doute que les élèves, s’ils ont le livre entre les mains, iront immédiatement voir ces entrées. L’illustration de couverture, un détail de la fresque de Delacroix qui orne la coupole de l’Assemblée Nationale, “Attila suivi de ses hordes barbares foule aux pieds l’Italie et les Arts”, tout un programme !, a même droit à quatre pages de commentaire en fin d’ouvrage.
L’ouvrage, pour l’essentiel d’un haut niveau, présente naturellement quelques faiblesses. S’il relativise l’usage du terme barbare pour les peuples germaniques à qui nous devons sans doute autant qu’aux Gaulois, il ne présente pas suffisamment l’évolution récente de l’usage du terme dans l’historiographie allemande. Mais il fallait faire des choix et de nombreux articles sont excellents (par exemple, pour revenir à la couverture, celui sur Attila). Tout juste peut-on s’interroger sur le fait de confier l’article “jésuites” à un… jésuite !
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© Michel Kaplan pour Historiens & Géographes - Tous droits réservés. 09/05/2017.